Le Journal de Montreal

Il y a 40 ans, un débat marquant

Aujourd’hui, la politique québécoise ne semble plus avoir l’aspect prégnant qu’elle avait il y a 40 ans

- ANTOINE ROBITAILLE

Vous ne pouvez plus, et pour un bout de temps, voyager sur le globe.

Qu’à cela ne tienne, on vous a fait voyager, mais dans le temps, depuis samedi.

Plus précisémen­t à ce moment charnière où, il y a 40 ans aujourd’hui même, les Québécois répondaien­t pour la première fois de leur histoire à la question : dans quel régime souhaitez-vous vivre ? Quel statut politique le Québec devrait-il avoir ?

PERSONNELL­EMENT

Un petit événement de ma vie personnell­e m’a fait comprendre il y a longtemps que ce fut un débat marquant.

En mai 1980, j’ai 11 ans, presque 12. L’intérêt pour la politique, je l’avais développé déjà quelque quatre ans plus tôt lors de l’élection du Parti québécois, sans doute en raison du traumatism­e que ça avait causé dans ma famille très fédéralist­e.

À cet âge, les détails des enjeux m’échappaien­t bien sûr, mais j’avais saisi, je crois, que la politique pouvait avoir un effet déterminan­t sur la vie.

Je le déduisais dans la réaction de mes parents, de mes tantes et oncles. Dans les discussion­s avec mes amis dont les familles avaient parfois des positions totalement différente­s de la mienne.

IMITATIONS POLITIQUES

Nous étions à l’époque des médias de masse et les débats nationaux prenaient beaucoup de place dans l’actualité. Parmi les humoristes en vogue, plusieurs étaient des imitateurs. Leurs sujets étaient très souvent politiques.

Le plus connu d’entre eux ? Jean-Guy Moreau, lequel avait même consacré un spectacle à René Lévesque. Cet art, comme celui de la caricature, me fascinait et j’imitais les imitateurs à l’école.

Tellement qu’une jeune enseignant­e d’art plastique m’avait mis au défi de monter un petit spectacle de fin d’année avec un ami où nous allions enfiler imitations politiques et chansons de Vigneault, Charlebois, Leclerc, Ferland ! Juste nous deux. Tous les parents étaient invités !

Le personnage de Lévesque était si proéminent que j’avais fait des pieds et des mains avec l’aide de mon enseignant­e pour me donner une tête semblable à celle du premier ministre péquiste.

Nous étions allés acheter un crâne de caoutchouc sur lequel nous avions collé des bouts de laines grises pour reproduire la calvitie non assumée de Ti-Poil. Et j’avais acheté de fausses cigarettes.

DÉBATS SANITAIRES

Aujourd’hui, la politique québécoise ne semble plus avoir l’aspect prégnant qu’elle avait il y a 40 ans. Même en temps de pandémie, où les débats, avec raison, sont avant tout sanitaires.

Autre hypothèse : la politique contempora­ine est exempte de ses questions existentie­lles qui l’obsédaient alors.

Or, depuis 1980, le Québec n’a ni réussi à faire sa souveraine­té, ni le fédéralism­e renouvelé du Livre beige de Claude Ryan qui a pourtant « gagné » le référendum

où un NON voulait dire un OUI (selon la promesse de Pierre Elliott Trudeau).

En plus, de nos jours, pour le meilleur et pour le pire, les médias sociaux projettent chaque individu-internaute instantané­ment dans l’internatio­nal ; ou nous confinent dans nos niches d’intérêt.

OBSESSION ?

Enfin, une chose me frappe : lorsqu’on parle de notre histoire un peu plus intensémen­t – comme nous l’avons fait ces derniers jours –, plusieurs nous le reprochent !

Ce serait « ressasser de vieilles chicanes » inutiles, nous serions « obsédés » par l’histoire du Québec, laquelle ne serait pas déterminan­te pour le monde, alors à quoi bon s’y arrêter ?

Je suis certain que personne aux ÉtatsUnis n’a fustigé un journalist­e américain, en 2019, parce qu’il s’était penché sur les manifestat­ions monstres contre la guerre du Vietnam, l’investitur­e de Nixon, ou encore Woodstock, etc.

Moi-même friand de documentai­res historique­s, j’enregistre à peu près toutes les

émissions de télé où l’on en présente.

Près de 90 % de ce qui est projeté est produit à l’étranger et porte sur des sujets passionnan­ts, mais hors de notre histoire, avec perspectiv­e étrangère. Parfois même on prétend raconter l’histoire d’une décennie... uniquement avec des événements américains !

Tout cela instaure une triste distanciat­ion face à notre parcours national. Il ne serait pas risqué, bien au contraire, d’organiser un « déconfinem­ent » historique, chez nous.

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 ??  ?? 1. En 1980, j’ai 11 ans. Le personnage de René Lévesque était si proéminent que j’avais monté un petit spectacle de fin d’année où je l’imitais. 2. Nous avions fait des pieds et des mains, mon enseignant­e et moi, pour me donner une tête semblable à celle du chef du OUI. Calvitie non assumée et cernes de fumeur sous les yeux. 3. Le célèbre politicien québécois René Lévesque. 4. L’humoriste Jean-Guy Moreau avait consacré un spectacle à René Lévesque. 1
1. En 1980, j’ai 11 ans. Le personnage de René Lévesque était si proéminent que j’avais monté un petit spectacle de fin d’année où je l’imitais. 2. Nous avions fait des pieds et des mains, mon enseignant­e et moi, pour me donner une tête semblable à celle du chef du OUI. Calvitie non assumée et cernes de fumeur sous les yeux. 3. Le célèbre politicien québécois René Lévesque. 4. L’humoriste Jean-Guy Moreau avait consacré un spectacle à René Lévesque. 1
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PHOTOS COURTOISIE ET D’ARCHIVES 4
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