Le Journal de Montreal

Ses propriétés vendues à son insu

Un homme de 87 ans doit se battre devant les tribunaux pour récupérer ses deux immeubles à Montréal

- MICHAËL NGUYEN

Un octogénair­e montréalai­s victime d’un vol d’identité doit se démener en pleine pandémie pour récupérer ses deux propriétés, qui ont été vendues à son insu par un avocat muni d’une fausse procuratio­n.

« Je n’ai jamais vendu mes propriétés ni jamais donné le mandat de les vendre. La procuratio­n dans l’acte de vente est un faux », s’exclame Taras Hukalo dans une déclaratio­n assermenté­e à la cour, en déplorant que cette situation soit d’autant plus difficile qu’elle survient en même temps que la crise de la COVID-19.

L’homme de 87 ans n’a découvert le pot aux roses qu’à la fin avril. Mais cela faisait plusieurs mois déjà que ses immeubles avaient été vendus, selon la poursuite civile récemment déposée afin de récupérer ses biens.

Tout a commencé en décembre quand il a eu des soucis financiers qui ne lui permettaie­nt pas de payer ses taxes foncières. L’ancien réalisateu­r avait alors demandé à un ami notaire de l’aider, et ce dernier avait payé une partie de la somme.

À MOITIÉ PRIX

Or, quand le notaire a voulu effectuer le deuxième paiement à la fin avril, il a réalisé que les propriétés avaient été vendues trois mois plus tôt à une compagnie à numéro dirigée par un certain Alec Blumenthal. Les demeures, d’une valeur foncière de 497 900 $ et 243 000 $, avaient été cédées à moins de la moitié du prix.

Et peu après, ce même Blumenthal contractai­t un prêt hypothécai­re deux fois

Ce duplex à Montréal appartenan­t à Taras Hukalo, d’une valeur de 497 000 $, a été vendu à l’insu de l’homme âgé de 87 ans pour 200 000 $ en janvier dernier.

plus élevé que le prix d’achat des propriétés, selon les registres publics consultés par Le Journal.

« M. Hukalo était sous le choc, il ne comprenait pas comment la vente pouvait être allée de l’avant sans son accord ni sa signature », lit-on dans le document de cour.

L’aîné a alors mandaté son ami afin de vérifier comment une telle chose avait été possible. Et grâce à l’acte de vente, il a découvert qu’un avocat montréalai­s,

Norman Goldberg, avait agi en son nom avec une supposée procuratio­n.

« Je ne connais pas Norman Goldberg, je ne lui ai jamais parlé, ni rencontré, ni signé de procuratio­n », explique M. Hukalo dans sa déclaratio­n assermenté­e.

Contacté par Le Journal, Me Goldberg a d’abord nié connaître M. Hukalo, pour ensuite déclarer « n’être au courant de rien » et raccrocher subitement la ligne.

Pourtant, l’acte de vente indique clairement son nom, en tant que représenta­nt « dûment autorisé » du propriétai­re.

Un deuxième avocat, Melvin Kronish, signe également une attestatio­n indiquant, entre autres, avoir vérifié l’identité des signataire­s de l’acte de vente.

Il a affirmé au Journal qu’il avait « pris pour acquis » que Me Goldberg avait vérifié la validité de la procuratio­n.

Pour le moment, on ignore si tous les gens impliqués ont agi consciemme­nt, s’ils ont été manipulés ou encore s’ils ont eux aussi été victimes de fraude. Une chose est sûre, c’est que la vente était illégale, insiste l’avocat représenta­nt maintenant l’octogénair­e.

IL RÉCLAME 90 000 $

« M. Hukalo a de bonnes raisons de croire que quelqu’un a volé son identité et que Me Norman Goldberg a été négligent dans ses vérificati­ons », indique Me Luc Geoffrion dans le document de cour.

Quoi qu’il en soit, Me Geoffrion s’est empressé de demander une saisie avant jugement des deux propriétés, afin de s’assurer qu’elles ne pourront pas être à nouveau transférée­s. Un juge a acquiescé à la demande la semaine passée.

Mais en plus de récupérer son dû, M. Hukalo réclame 90 000 $ de dédommagem­ent pour les frais encourus dans cette affaire, et aussi pour les dommages et les inconvénie­nts subis.

« La situation continue de causer beaucoup de troubles et de stress à M. Hukalo, en raison de son âge et de la pandémie de la COVID-19 », indique la poursuite civile.

À moins d’un arrangemen­t à l’amiable, l’affaire sera présentée prochainem­ent à un juge.

Il n’a pas été possible de parler à Alec Blumenthal.

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PHOTO MICHAËL NGUYEN

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