Le Journal de Montreal

Condamnés à réussir

- JOSEPH FACAL

Hemingway disait qu’une opinion, c’est comme un trou de cul.

Tout le monde en a un, et chacun pense que c’est celui des autres qui pue.

Il n’y a rien de plus facile que d’avoir une opinion, et chacun est persuadé d’avoir raison, parfois même après qu’on lui a démontré qu’il avait tort.

Vous ferez donc ce que vous voulez de mon opinion.

S’IL FALLAIT

Le Québec s’engage dans la voie du déconfinem­ent. D’accord.

Il n’y a pas un mode d’emploi unique, comme le montre la diversité des approches à travers le monde.

On s’entend cependant sur une chose : pour déconfiner, il faut avoir des capacités de dépistage massives pour identifier rapidement la personne infectée, puis tous ceux qu’elle a croisés.

Avons-nous cela ?

S’il y a un constat qui émerge, c’est le décalage entre les annonces et la réalité sur le terrain.

On a vu à l’usine Cargill, dans une garderie à Mascouche, ailleurs aussi, à quel point la transmissi­on peut être foudroyant­e dans les milieux de travail.

En France, des plages ont dû être refermées sitôt ouvertes pour non-respect des consignes de sécurité.

François Legault a dit que si le nombre de cas repartait à la hausse, il n’hésiterait pas à revenir en arrière.

Imaginez cependant l’impact psychologi­que dévastateu­r d’un retour à un confinemen­t généralisé.

La désobéissa­nce civile se répandrait sans doute comme une traînée de poudre.

Comme le gouverneme­nt sait cela, le retour en arrière, s’il devait être rétabli, serait aussi localisé, aussi limité que possible.

En langage clair, cela signifie que lorsque vous déconfinez, vous êtes condamné à réussir… puisque le retour en arrière est difficile, voire impossible à envisager.

Quand le vin est tiré… Prenons les rassemblem­ents permis dès vendredi et voyons si j’ai compris.

Dix personnes au maximum, pas plus de trois familles, dehors seulement, sauf pour le pipi, à condition de garder les deux mètres de distance… mais dont aucune autorité ne pourra, si on a deux sous de réalisme, vérifier le respect, sauf en cas de dénonciati­on par un voisin, quand ce sera sans doute trop tard.

Il est facile d’ironiser, mais cela illustre, presque par l’absurde, que la réussite du déconfinem­ent, c’est notre responsabi­lité autant que celle du gouverneme­nt.

Je ne sais pas vous, mais moi, ces jours-ci, à l’épicerie, dans les parcs, dans les rues, sur le perron des portes, je vois un évident relâchemen­t.

Les masques restent rares. Chaque tricherie trouve sa justificat­ion, sourire en coin.

Le retour du beau temps et l’exaspérati­on y sont pour beaucoup.

Après avoir cassé bien du sucre sur le dos du gouverneme­nt, c’est maintenant à chacun d’entre nous de continuer à penser aux autres.

CIVISME

Pour certains, c’est tout ou rien. On passe du tout était interdit à tout est redevenu comme avant.

On ne leur demande pourtant pas d’aller faire du bénévolat dans un CHSLD, juste de faire attention.

La notion d’une réouvertur­e graduelle, mesurée, prudente, étapiste leur passe mille pieds par-dessus la tête.

Pour eux, ce fut un mauvais moment à passer, et il est passé.

Après avoir cassé bien du sucre sur le dos du gouverneme­nt, c’est maintenant à chacun d’entre nous de continuer à penser aux autres.

Est-ce trop demander ?

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