Le Journal de Montreal

Le 21 mai 1980

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote

Le 20 mai 1980, le Québec se disait non à lui-même. Le formidable élan de libération nationale engagé avec la Révolution tranquille frappait un terrible esquif. L’indépendan­ce avortait.

Les souveraini­stes avaient sousestimé la colonisati­on mentale d’une partie de notre peuple qui s’imagine le Québec condamné à la médiocrité et la pauvreté s’il se délivre du cadre fédéral. Ne sous-estimons pas non plus l’efficacité des mensonges référendai­res du pire traître de notre histoire, Pierre Elliott Trudeau.

René Lévesque, dans la débâcle, a eu le génie de garder l’avenir ouvert, en disant aux Québécois « à la prochaine fois ». En d’autres termes, il transforma­it cette étrange défaite en première étape vers une prochaine victoire.

DÉFAITE

Le 21 mai, une nouvelle histoire a commencé. Celle du syndrome post-référendai­re. Le Québec, sans trop s’en rendre compte, est entré en dépression politique. Bien des électeurs du camp du Non, dans la suite du référendum, eurent profondéme­nt honte de leur vote. Ils savaient qu’ils avaient cédé à la peur. Ils sentaient aussi, probableme­nt, qu’un peuple ne refuse pas son indépendan­ce sans en payer le prix.

On a sous-estimé les effets psychologi­ques et politiques d’une telle défaite. On disait autrefois : malheur aux vaincus !

La défaite référendai­re, qui aboutit à la constituti­on de 1982, n’était pas sans faire penser à la défaite de 1837-1838, qui s’était parachevée dans l’Acte d’Union. Tout comme la défaite de 1995 nous a valu le plan B d’Ottawa, la loi sur la clarté et une entreprise de diabolisat­ion délirante de notre identité collective, assimilée au racisme.

Il en fallut du courage, après 1980, pour garder vivante la flamme de l’indépendan­ce. Les militants de l’époque portaient l’idéal alors que plus personne ne voulait en entendre parler. Ils firent ce qu’ils purent pour éviter que la flamme ne s’éteigne. Leur travail ne fut pas vain.

Jacques Parizeau a reconstrui­t un mouvement en décomposit­ion.

Surtout, c’est le choc constituti­onnel avec le Canada anglais, à partir de 1987, autour de l’Accord du lac Meech, qui réanima pleinement l’idée d’indépendan­ce. On connaît la suite.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Nous sommes toujours plus soumis au Canada.

Nous sommes fiers, avec raison, d’avoir voté la

Charte de la laïcité l’année passée. Mais il y a quelque chose d’absurde dans cela.

DEMAIN

Cette loi, fondamenta­lement, est minimalist­e.

Elle est révélatric­e, néanmoins, du peu d’autonomie dont nous disposons dans la fédération. Nous évoluons dans un espace politique toujours plus étroit, sous la surveillan­ce des tribunaux canadiens. Nous transformo­ns mentalemen­t le moindre pas de fourmis en victoire olympique. Nous prenons une souris pour une montagne.

La crise actuelle est parlante aussi. Elle nous rappelle l’importance pour un peuple de prendre par lui-même toutes les décisions qui touchent sa survie.

Il se pourrait bien qu’à la prochaine commémorat­ion du référendum, dans 10 ans, nous soyons un pays souverain. François Legault pourrait même en être le père fondateur. Il ne tient qu’à lui de le vouloir à nouveau.

 ??  ?? Nous payons encore le prix de la défaite.
Nous payons encore le prix de la défaite.
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada