Notre cinéma va-t-il finir par comprendre ?
Il y a quelques semaines, j’ai écrit que le nombre de salles de cinéma finira par se réduire comme peau de chagrin. À l’exception des « blockbusters », le streaming deviendra le principal moyen de diffusion du cinéma.
Nos cinéastes, qui ne pèchent pas par excès de modestie, s’imaginent encore que tous les yeux sont tournés sur eux dès qu’ils réalisent un film. Presque tous leurs films sortent pourtant dans l’indifférence générale. La plupart du temps, sauf le soir de la première où on invite acteurs, artisans, techniciens, distributeurs, Téléfilm et commanditaires, les salles où on projette leurs films sont presque désertes.
Les 37 films québécois de l’an dernier ont réuni 2,3 millions de spectateurs. À peine quelques milliers de plus que le dernier spécial de télé Une chance qu’on
s’a. Même en comptant l’excellente comédie Menteur (604 000 entrées), la moyenne d’assistance par film n’a pas atteint 63 000 en 2019. Rares sont les chaînes de télé qui, même la nuit, garderaient à leur antenne une émission qui ne rejoint pas plus de spectateurs.
L’EXEMPLE DE NETFLIX
S’il faut se fier aux chiffres de Netflix – y a-t-il une raison de les mettre en doute ? –, Jusqu’au
déclin, le « thriller » québécois, aurait été vu par 21 millions de personnes après un seul mois. C’est presque 10 fois plus que tous les films québécois de 2019 ! Le film de Patrice Laliberté, qui ne casse rien, aurait eu du mal à rassembler plus de 100 000 spectateurs en salle. Merci, Netflix !
La semaine dernière, les distributeurs québécois ont eu l’intelligence de s’unir pour créer un site internet commun, aimetoncinéma.ca. Le site permet de trouver sur quel service on peut voir environ mille films, dont un grand nombre sont québécois. À cause de la multiplicité des services par contournement, ce n’est pas toujours facile de découvrir les films offerts en ligne, qu’ils soient payants ou gratuits.
C’est même le talon d’Achille de Netflix. Y dénicher un film en particulier est aussi pénible que trouver la sortie d’un labyrinthe. Avec près de 200 millions d’abonnés, Reed Hastings devrait avoir les moyens de mettre au point un logiciel qui répond à la voix.
QUI VOUDRA ALLER AU CINÉMA ?
J’espère que notre monde du cinéma n’aura pas la légèreté de croire que tout reviendra comme avant la pandémie. Qu’on le veuille ou non, la crise du coronavirus accélérera la désaffection des cinéphiles pour les salles. Déjà agacés par les prix d’entrée, le coût exorbitant des friandises
(voir la note ci-dessous )et la publicité tonitruante à l’écran, la pandémie nous a tous induits de la crainte de nous retrouver à moins de deux mètres de notre voisin.
Selon un sondage que vient d’instruire le magazine internet Slate auprès de 6000 de ses lecteurs, seulement 4 % accepteraient d’entrer dans une salle de cinéma s’il n’y a pas de distanciation possible. Même avec une distanciation de deux mètres entre les sièges, 71 % ne veulent pas retourner dans une salle de cinéma et 13 % hésitent, ce qui laisse seulement 16 % de spectateurs prêts à franchir le tourniquet d’une salle.
Pas étonnant que le futé Vincent Guzzo ait inauguré son propre service de visionnement en ligne le mois dernier !
J’espère que notre monde du cinéma n’aura pas la légèreté de croire que tout reviendra comme avant la pandémie
NOTE : Au cinéma, un grand sac de pop corn coûte en moyenne 8,60 $. Pour 3,99 $, on peut faire à la maison 30 sacs semblables, soit 13 cents chacun !