Des experts inquiets pour les régions
La levée des barrages routiers et l’arrivée de touristes montréalais font craindre le pire
Malgré le vent d’optimisme qui souffle sur le Québec avec le retour du beau temps et l’annonce graduelle du déconfinement, des experts s’en font pour les régions en raison de la levée rapide des barrages routiers et de l’arrivée prochaine de touristes provenant du grand Montréal.
Après deux mois de confinement, les Québécois ont eu droit à une dose de bonnes nouvelles cette semaine, avec l’annonce d’une série d’assouplissements aux règles de confinement mises en place au début de la pandémie.
En dehors de Montréal, un déconfinement contrôlé est possible, puisque « la situation est sous contrôle », considère l’épidémiologiste à la clinique du Quartier latin et chargée de cours à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Nimâ Machouf.
Toutefois, dans le grand Montréal, le déconfinement « est précipité », selon elle.
« On a eu notre épidémie trois semaines, un mois après l’Europe, mais on veut déconfiner en même temps que l’Europe. […] Ce n’est pas la chose à faire », a observé l’épidémiologiste, visiblement inquiète.
RÉFLÉCHIR AU TOURISME
Ailleurs au Québec, le succès de ces mesures de déconfinement sera lié de près au respect que les gens auront pour les consignes d’hygiène, l’observance de la distanciation sociale, etc.
« Pendant le déconfinement, les gens doivent être très très disciplinés », insiste le Dr Machouf.
Pour un déconfinement réussi, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il faut notamment empêcher l’importation de nouveaux cas de COVID-19, a-t-elle rappelé. Ce qui ramène alors toute la question des barrages routiers qui, pour la plupart, ont été levés.
« Il faut réfléchir à ces touristes qui vont arriver en région », croit la Dre Machouf.
« La chose qui m’inquiète, c’est l’ouverture des routes, a-t-elle confié en entrevue. On a des régions qui sont peu affectées ou pas affectées, et ce sont des régions touristiques. Et là, s’il y a des touristes qui partent de Montréal, l’épicentre de l’épidémie au Québec, pour aller fréquenter ces lieux-là, je ne suis pas très rassurée. »
QUESTION DE PRÉPARATION
« En région, selon les échos que j’ai, les gens ne sont pas prêts, a-t-elle continué. Les centres pour personnes âgées ne sont pas prêts. Même les structures sanitaires, hospitalières ne sont pas prêtes. En théorie, ils sont prêts, mais étant donné qu’ils n’ont pas vu l’ampleur de la chose, j’imagine qu’ils n’y croient pas trop. »
Le mois dernier, un groupe d’experts dirigé par le professeur du département des sciences infirmières de l’Université du Québec en Outaouais, Drissa Sia, avait d’ailleurs recommandé de maintenir les barrages routiers afin de protéger les zones peu infectées.
« La région qu’on a décidé de déconfiner, on devrait la laisser close, pour la simple raison d’éviter que des gens qui sont dans les régions chaudes ne s’y rendent avant que ne soient maîtrisées les nouvelles façons de faire », maintient M. Sia.
De façon générale, face aux mesures annoncées à la pièce dans les derniers jours, le professeur demeure optimiste.
OPTIMISME ET VIGILANCE
Si les autorités n’avaient pas donné le feu vert à certains rassemblements, certains l’auraient alors fait « dans la clandestinité », ce qui est à éviter.
Le cas échéant, il y aurait un risque que « les gens ne disent pas la vérité » au cours des enquêtes épidémiologiques, qui sont importantes pour « maîtriser l’éclosion dans une zone donnée », a-t-il rappelé.
La Dre Machouf est aussi d’avis qu’on doit pouvoir profiter des espaces, surtout extérieurs, où c’est possible de se rendre sans qu’il y ait de risque.
Toutefois, « soyons vigilants, l’épidémie n’est pas encore passée », insiste-t-elle, en particulier à Montréal, où la situation demeure inquiétante.