Des travailleurs à rabais de l’Ouest sur un chantier du CP
La CSN-Construction exige la fermeture immédiate d’un chantier en Montérégie
Un sous-traitant du Canadien Pacifique (CP) est accusé de faire venir par dizaines des travailleurs de l’Ouest canadien payés deux fois moins cher pour refaire ses rails en Montérégie.
« Au Québec, un poseur de rails peut gagner 40 $ l’heure, alors qu’ailleurs au pays, c’est plus autour de 20 $ ou 25 $ l’heure », a déploré Jean-Luc Deveaux, v.-p. de la CSN-Construction, qui pointe du doigt Narrow Passage Rail inc., propriété de Remcan, qui a son siège social en Colombie-Britannique.
L’an dernier, le Canadien Pacifique (CP) a acheté les rails de l’ancienne Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA), six ans après la tragédie de Lac-Mégantic, qui a fait 47 morts.
Pour entretenir son réseau de 280 kilomètres, allant de Saint-Jean-sur-le-Richelieu à Lac-Mégantic, en passant par Farnham, le CP a octroyé un contrat de plus de 20 millions $ sur trois ans à une entreprise de l’Ouest canadien.
« Cette entreprise-là n’a pas sa licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). Elle ne peut pas engager de travailleurs pour faire des travaux de construction, alors j’ai demandé à la Commission de la construction du Québec (CCQ) d’exiger l’arrêt du chantier », a indiqué Jean-Luc Deveaux.
Il souligne que les employés du Canadien Pacifique (CP) n’ont pas à se soumettre à la
Loi des relations de travail (R-20) parce qu’ils sont de juridiction fédérale, mais que leurs sous-traitants, comme Narrow Passage Rail inc., ont l’obligation de le faire.
COLONIALISME
Selon lui, le CP agit « avec une vieille forme de colonialisme » en faisant appel à des unilingues anglophones d’autres provinces pendant que les ouvriers québécois doivent se contenter de regarder le train passer.
« Un projet de cette ampleur-là, ça arrive une fois par dix ans. On aimerait ça que ce soit des entrepreneurs de chez nous qui fassent le travail ou que les entreprises de l’extérieur respectent au moins la réglementation québécoise », a confié un membre du Réseau des entrepreneurs spécialisés en travaux ferroviaires (RESTF), exigeant l’anonymat de peur de ne plus avoir de contrats du CP.
Joint par un porte-parole de Narrow Passage Rail inc. a affirmé que l’entreprise s’est assurée de respecter la réglementation québécoise, tant à la Commission de la construction du Québec (CCQ) qu’à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).
« Nous avons fait les démarches nécessaires auprès de la RBQ pour avoir les licences nécessaires, a précisé son porte-parole Daniel Lépine. Il faudrait demander à la RBQ où ils en sont dans le retard du traitement des dossiers accumulés durant leur fermeture de bureau, durant la COVID et l’arrêt des travaux. »
EMBAUCHE LOCALE
À la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), on ne semblait pourtant pas au fait des démarches effectuées par l’entreprise pour obtenir ses licences.
« Je vous confirme que l’entreprise Narrow Passage Rail inc. ne détient pas de licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), a confirmé au Journal son porte-parole Sylvain Lamothe. Elle ne peut donc
prétendre être en droit d’agir comme un entrepreneur en construction au Québec. »
Quant à la présence de travailleurs de l’Ouest canadien sur le chantier, dénoncée par le syndicat, Narrow Passage Rail Inc. est restée floue.
« Le projet est de longue durée et le nombre d’employés variera dans le temps. Il en va de même de leur provenance. Il est certain que nous avons l’intention d’embaucher le plus possible local, afin de limiter nos coûts d’opération », a précisé à ce sujet M. Lépine.
Au CP, l’entreprise albertaine s’est limitée à une courte déclaration transmise en anglais. « Nous n’avons pas de commentaire », a déclaré la personne responsable des relations médias, Andy Cummings.
À la Commission de la construction du Québec (CCQ), on a refusé « de commenter la situation sur un chantier précis ».
Au cours des dix prochaines années, l’industrie ferroviaire québécoise aura besoin de près de 100 000 cheminots pour son réseau de 6300 kilomètres.