Le Journal de Montreal

Déversemen­t d’égouts dans un champ

Un joueur majeur de cette industrie aurait eu recours à des « manoeuvres frauduleus­es » à Montréal

- DOMINIQUE CAMBRON-GOULET – Avec Elsa Iskander, Agence QMI

Un ancien membre du « cartel des égouts », condamné à plusieurs reprises pour des infraction­s environnem­entales et qui a déjà dirigé une entreprise bannie des contrats publics, continuera­it d’user de pratiques frauduleus­es.

Un rapport du Bureau de l’inspectric­e générale (BIG) de la Ville de Montréal dévoilé hier blâme sévèrement l’entreprise Beauregard Environnem­ent Ltée et son « âme dirigeante », Michel Chalifoux.

Selon l’enquête, Beauregard a facturé des travaux de nettoyage d’égouts qui n’ont pas été réalisés.

Dans certains arrondisse­ments, l’entreprise ne vidait pas ses camions en fin de journée, et facturait encore leur poids à la pesée suivante. Elle a donc fait payer à la Ville jusqu’à cinq fois les mêmes boues provenant des égouts et des puisards, selon l’inspectric­e Brigitte Bishop.

Avec l’aide d’un sous-traitant, les entreprise­s Pesant, Beauregard aurait également déversé illégaleme­nt ces boues sur des terres agricoles, à Mirabel.

MENTOR BÉNÉVOLE !

Le BIG juge que même si la présidente de Beauregard, sur papier, est Dany Fréchette, l’« âme dirigeante » est son conjoint, Michel Chalifoux. C’est même ce dernier qui répondait aux questions du BIG lors de l’enquête, alors qu’il prétend être un « consultant et mentor bénévole ».

Chalifoux et des entreprise­s qui lui sont liées ont déjà commis plusieurs infraction­s, a constaté notre Bureau d’enquête. Toutefois, cela ne les a pas empêchés de continuer à obtenir des contrats publics.

√ En 2004, Québec a obtenu une injonction permanente pour que Chalifoux et son entreprise arrêtent de rejeter des contaminan­ts dans l’environnem­ent. L’entreprise a dû payer une amende de 31 500 $.

√ En 2011 et 2012, Chalifoux Sani-Laurentide­s inc. et Michel Chalifoux ont été accusés de trucage d’offres dans l’histoire du « cartel des égouts ».

Le Bureau de la concurrenc­e avait révélé que six entreprise­s s’étaient partagé 37 contrats municipaux et provinciau­x entre 2008 et 2011.

L’entreprise a plaidé coupable en 2016, mais les accusation­s contre le dirigeant ont été suspendues, si bien que seule Chalifoux Sani-Laurentide­s a été inscrite sur la « liste noire » du gouverneme­nt, le Registre des entreprise­s non admissible­s (RENA).

Dans son rapport publié hier, l’inspectric­e générale souligne d’ailleurs que l’homme d’affaires a transféré la gestion de Beauregard à sa conjointe « huit jours après le dépôt des accusation­s ».

√ En 2014, Montréal a révoqué le permis de déversemen­t de Beauregard pour avoir jeté des déchets non permis à son usine d’épuration. L’entreprise a fini par payer une amende de 25 000 $ en 2016, quelques mois après que la Ville lui eut octroyé un contrat de location d’équipement­s de près de 1 M$.

JOUEUR MAJEUR

Montréal est loin d’être la seule ville à faire affaire avec Beauregard Environnem­ent Ltée. Des dizaines de municipali­tés et le ministère des Transports se trouvent parmi ses clients.

En 2019 seulement, elle a conclu plus de 20 contrats avec des organismes publics, dont des contrats de plus de 500 000 $ avec Chambly et Pointe-Calumet.

En raison de possibles impacts à la grandeur du Québec, le BIG a informé le ministère de l’Environnem­ent de son enquête l’an dernier. Mais selon nos informatio­ns, le dossier piétine au ministère.

En plus de résilier une douzaine de contrats accordés à Beauregard, le BIG demande que Michel Chalifoux et l’entreprise ne puissent plus recevoir de contrats de la Ville pour cinq ans. Une exclusion de trois ans est demandée pour les entreprise­s Pesant.

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25 noms de Beauregard Environnem­ent, lors d’une opération de nettoyage d’égouts. En mortaise, un sous-traitant de Beauregard a été surpris en train de déverser de la boue sur une terre agricole en octobre dernier alors qu’elle doit être envoyée dans un site d’éliminatio­n accrédité.
PHOTOS BUREAU DE L’INSPECTRIC­E GÉNÉRALE DE MONTRÉAL Sani-Nord, un des 25 noms de Beauregard Environnem­ent, lors d’une opération de nettoyage d’égouts. En mortaise, un sous-traitant de Beauregard a été surpris en train de déverser de la boue sur une terre agricole en octobre dernier alors qu’elle doit être envoyée dans un site d’éliminatio­n accrédité.
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