Des commerçants laissés en plan
Le programme fédéral pour le loyer commercial jugé « trop sévère » et « flou »
Des propriétaires immobiliers et des détaillants jugent « trop sévères » et « flous » certains critères du programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC). Des commerçants pourraient être laissés pour compte et devoir payer la majorité de leur loyer, prévient un propriétaire d’immeubles.
Ottawa a annoncé hier qu’il était maintenant possible de faire des demandes d’adhésion au programme visant à atténuer la pression des loyers sur les finances des détaillants pour les mois d’avril à juin.
Cette mesure du gouvernement fédéral, dont l’argent sera distribué sous forme de prêt aux propriétaires immobiliers, couvrira 50 % du loyer des détaillants. En contrepartie, les bailleurs devront renoncer à 25 % de la facture et le détaillant devra payer 25 % de son loyer.
Pour être admissible, un détaillant doit toutefois payer un loyer brut inférieur à 50 000 $ par mois et ses revenus annuels ne doivent pas dépasser les 20 millions $. Il doit aussi avoir enregistré une perte de revenus d’au moins 70 % entre avril et juin par rapport à l’ensemble de cette même période l’an dernier. Pour juin, il s’agira d’une prévision.
« PAS DE BON SENS »
« Beaucoup de locataires ne seront pas admissibles en raison du 70 % », déplore Karine Simard, gestionnaire immobilier chez Immeubles Simard. « Idéalement, il aurait fallu un programme qui aide les locataires au mois par mois, et pas en fonction d’une période de temps », poursuit-elle.
Cette dernière rappelle que plusieurs commerces au Québec ont pu ouvrir leurs portes le 4 mai dernier. Elle demande l’allègement de ce critère qui prive plus de 80 % de ses locataires.
« Lorsque les commerces sont ouverts en mai et en juin, avec les ventes, cela devient difficile d’avoir une perte de 70 %. Par ailleurs, il devient difficile d’estimer le chiffre d’affaires de juin en pleine pandémie », dit-elle.
Le Conseil québécois du commerce de détail partage aussi le point de vue d’Immeubles Simard. « La règle du 70 % n’a pas de bon sens », indique le DG Stéphane Drouin. « Pour les commerçants locaux, cela vient juste mettre une barrière de plus », poursuit-il.
Plusieurs autres propriétaires d’immeubles commerciaux, qui ont préféré taire leur nom pour éviter de possibles conflits avec leurs locataires, déplorent aussi ce critère, tout comme celui mentionnant que les revenus annuels du détaillant ne doivent pas dépasser les 20 millions $.
Du côté du Groupe Boucher Sports, franchisé pour Sports Experts, le propriétaire, Martin Boucher, déplore le « flou » dans les critères de sélection. Il espère aussi que le programme soit bonifié pour les grandes surfaces.
« Cette mesure est incomplète », répond l’homme d’affaires. « Si une entreprise fait partie d’un groupe de franchises, est-ce qu’elle est admissible ? », s’interroge-t-il, estimant également que la barre de 70 % de perte de revenus est trop élevée. « Il faudrait parler d’un maximum de 50 %. ».