Le Journal de Montreal

Le Far West

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

« Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres », écrivait George Orwell dans son chef-d’oeuvre La ferme des animaux (l’un des dix livres que j’apporterai­s sur une île déserte).

Cette phrase, écrite en 1945, est toujours aussi pertinente.

Nous sommes tous égaux devant la loi… mais certains citoyens et certaines entreprise­s sont « plus égaux que d’autres ».

LES CLÉS DE LA PRISON

Regardez les impôts. Théoriquem­ent, nous sommes tous obligés par la loi de payer notre juste part d’impôt.

Mais si vous avez suffisamme­nt d’argent pour vous offrir les services d’un expert en « comptabili­té créative », vous pouvez comme par magie échapper à l’emprise du fisc.

Un prête-nom, une compagnie coquille installée dans un paradis fiscal, un compte bancaire numéroté, des états financiers trafiqués, des prix de transfert manipulés, des sociétés-écrans bidon, un montage financier complexe, et ta-dam, vous êtes en business.

C’est comme si nous étions tous enfermés dans une prison… mais que certains détenus possédaien­t un double des clés leur permettant de sortir à leur guise.

Bonjour l’égalité !

Même chose pour les géants du Web.

Toutes les entreprise­s doivent respecter les lois du pays où elles sont installées… sauf ces géants multimilli­ardaires qui se foutent des frontières comme de leur premier million.

« Quoi ? Les lois du Québec ? Les lois du Canada ? Mais nous sommes des entreprise­s multinatio­nales, voyons, nous sommes installées partout et nulle part à la fois, nous sommes immatériel­les, intouchabl­es, intangible­s, vos lois n’ont aucune emprise sur nous ! »

Comment nos entreprise­s médiatique­s peuvent-elles tirer leur épingle du jeu dans ce contexte ?

C’est comme participer à une course contre un adversaire dopé au max alors que tu dois passer des tests antidopage aux demi-heures !

DE LA PORNO SUR INSTAGRAM

Regardez l’histoire que Le Journal a publiée lundi.

En surveillan­t le compte Instagram de son jeune fils, un homme a découvert que des images de porno juvénile circulaien­t en toute liberté sur cette plateforme.

Vous pensez que Facebook (qui possède Instagram) va être blâmée, ou obligée de faire le ménage ? Non.

On va dire que c’est « trop complexe ». Qu’on ne peut pas surveiller tous les comptes, les milliards d’images qui circulent chaque jour, que c’est tout bonnement impossible.

Idem pour les messages racistes, violents ou haineux qui circulent en toute impunité sur les médias sociaux.

Les médias traditionn­els sont hyper surveillés, hyper encadrés ; un mot de travers, une expression un peu trop ambiguë, une blague sarcastiqu­e mal comprise et on leur tombe dessus à bras raccourcis…

Le Conseil de presse déchire sa chemise, le CRTC sévit, le Conseil canadien des normes s’énerve, la Commission des droits de la personne s’excite…

DEADWOOD

Mais sur internet, tu peux faire tout ce que tu veux.

C’est le Far West.

Comme Deadwood, la petite ville du Dakota du Sud qui échappait aux lois du gouverneme­nt fédéral, car érigée en 1876 sur un territoire amérindien.

Tout était permis : le meurtre, la prostituti­on, le jeu…

« Tous les médias sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres… »

Vous le savez, vous le sentez, les gens sont de plus en plus cyniques, colériques, enragés…

Rien de mieux pour alimenter cette rage que des lois qui punissent certains, mais protègent d’autres…

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La loi n’est pas la même pour tout le monde...
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