L’obésité : un problème culturel
Que faire de l’obésité ? Cette question, bien des médecins se la posent, dans une société où elle touche une part croissante de la population, en plus de peser sur le système de santé.
On apprenait hier que les spécialistes de la question au Canada proposent de transformer notre regard sur cette pathologie, en la traitant désormais comme une maladie chronique. Il faudrait, disent-ils, cesser de culpabiliser les obèses et ne plus se contenter de leur dire, de manière rituelle, qu’ils doivent manger moins et bouger plus.
On comprend cette approche, qui est celle de médecins. Qu’il y ait différentes morphologies va de soi. Que la génétique avantage les uns et désavantage les autres relève aussi de l’évidence. C’est une approche plus vaste qu’il faudrait mobiliser pour endiguer et faire refluer ce fléau. Médecins, psychologues et nutritionnistes sont appelés à faire front commun.
MALBOUFFE
On peut ajouter quelques réflexions à cette vision des choses.
Nous vivons dans un environnement dominé par la malbouffe. Plus globalement, la nourriture industrielle contribue non seulement à la neutralisation des saveurs, mais détruit la culture alimentaire des sociétés occidentales qui, trop souvent, mangent à la vavite, à la course, en perdant le rituel du repas partagé.
L’environnement est obésogène, comme on dit en jargon.
Notre société pousse à l’embonpoint. Et puisqu’elle ne veut stigmatiser personne, un étrange discours s’est imposé, qui mise sur la valorisation de la « diversité corporelle ». Globalement, il s’agit, au nom de la lutte contre la discrimination, de lutter contre la « grossophobie », même si nous savons bien que celui qui s’empâte exagérément mine sa santé et compromet à terme sa vie.
Le culte de l’estime de soi à tout prix peut devenir l’ennemi d’une indispensable lucidité sur sa propre réalité.
Célébrer l’obésité au nom de la diversité corporelle est une fraude intellectuelle qui fait infiniment plus de mal que de bien. On y verra une rhétorique de bien-portant, un mensonge faussement réconfortant.
Il y a quelque chose de vicié dans notre mode de vie américain, importé des États-Unis, mais qui ne leur est plus exclusif.
Par ailleurs, on le sait, l’obésité est devenue un marqueur social. À côté des classes populaires qui s’empâtent et qui accumulent ainsi les maladies chroniques, les élites urbaines qui se veulent à l’avant-garde du progrès font de leur santé un projet de vie.
EMPOISONNEMENT
On peut évidemment se moquer du culte du bio et autres modes agaçantes. Elles virent souvent à la névrose. Mais elles témoignent néanmoins d’une ambition légitime : reconquérir son assiette et se libérer de la malbouffe industrielle.
On y verra un projet de désintoxication massive contre l’empoisonnement alimentaire qui frappe la population.
Autrement dit, la lutte contre l’obésité, à l’échelle collective, passe par un mode de vie non seulement plus sain, mais plus humain, qui nous délivre des détestables repas préfabriqués et de la sédentarité extrême.
Osons les gros mots : c’est une question de civilisation.