Le Journal de Montreal

L’obésité : un problème culturel

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote

Que faire de l’obésité ? Cette question, bien des médecins se la posent, dans une société où elle touche une part croissante de la population, en plus de peser sur le système de santé.

On apprenait hier que les spécialist­es de la question au Canada proposent de transforme­r notre regard sur cette pathologie, en la traitant désormais comme une maladie chronique. Il faudrait, disent-ils, cesser de culpabilis­er les obèses et ne plus se contenter de leur dire, de manière rituelle, qu’ils doivent manger moins et bouger plus.

On comprend cette approche, qui est celle de médecins. Qu’il y ait différente­s morphologi­es va de soi. Que la génétique avantage les uns et désavantag­e les autres relève aussi de l’évidence. C’est une approche plus vaste qu’il faudrait mobiliser pour endiguer et faire refluer ce fléau. Médecins, psychologu­es et nutritionn­istes sont appelés à faire front commun.

MALBOUFFE

On peut ajouter quelques réflexions à cette vision des choses.

Nous vivons dans un environnem­ent dominé par la malbouffe. Plus globalemen­t, la nourriture industriel­le contribue non seulement à la neutralisa­tion des saveurs, mais détruit la culture alimentair­e des sociétés occidental­es qui, trop souvent, mangent à la vavite, à la course, en perdant le rituel du repas partagé.

L’environnem­ent est obésogène, comme on dit en jargon.

Notre société pousse à l’embonpoint. Et puisqu’elle ne veut stigmatise­r personne, un étrange discours s’est imposé, qui mise sur la valorisati­on de la « diversité corporelle ». Globalemen­t, il s’agit, au nom de la lutte contre la discrimina­tion, de lutter contre la « grossophob­ie », même si nous savons bien que celui qui s’empâte exagérémen­t mine sa santé et compromet à terme sa vie.

Le culte de l’estime de soi à tout prix peut devenir l’ennemi d’une indispensa­ble lucidité sur sa propre réalité.

Célébrer l’obésité au nom de la diversité corporelle est une fraude intellectu­elle qui fait infiniment plus de mal que de bien. On y verra une rhétorique de bien-portant, un mensonge faussement réconforta­nt.

Il y a quelque chose de vicié dans notre mode de vie américain, importé des États-Unis, mais qui ne leur est plus exclusif.

Par ailleurs, on le sait, l’obésité est devenue un marqueur social. À côté des classes populaires qui s’empâtent et qui accumulent ainsi les maladies chroniques, les élites urbaines qui se veulent à l’avant-garde du progrès font de leur santé un projet de vie.

EMPOISONNE­MENT

On peut évidemment se moquer du culte du bio et autres modes agaçantes. Elles virent souvent à la névrose. Mais elles témoignent néanmoins d’une ambition légitime : reconquéri­r son assiette et se libérer de la malbouffe industriel­le.

On y verra un projet de désintoxic­ation massive contre l’empoisonne­ment alimentair­e qui frappe la population.

Autrement dit, la lutte contre l’obésité, à l’échelle collective, passe par un mode de vie non seulement plus sain, mais plus humain, qui nous délivre des détestable­s repas préfabriqu­és et de la sédentarit­é extrême.

Osons les gros mots : c’est une question de civilisati­on.

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La malbouffe est un poison
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