UN EX-DÉPUTÉ LIBÉRAL VISÉ PAR DEUX ENQUÊTES
Allégations d’agression sexuelle et de manquements à l’éthique
Québec vient de prendre le contrôle d’une municipalité de la Montérégie où plus rien ne fonctionne : les deux tiers du conseil municipal viennent de démissionner et le maire, un ex-député libéral déjà accusé d’agression sexuelle, est maintenant soupçonné d’entorses à l’éthique.
Depuis le 22 juillet, c’est donc la Commission municipale du Québec (CMQ) qui gère temporairement Sainte-Clotilde.
Allégations de conflit d’intérêts et atmosphère toxique à l’Hôtel de Ville : les quatre conseillers municipaux qui ont remis leur démission à la mi-juillet sont lapidaires à l’égard du maire André Chenail.
Ils affirment même avoir quitté leur poste uniquement pour que le conseil n’ait plus le quorum, et ainsi forcer la CMQ à prendre le contrôle de la municipalité de 2300 habitants.
Les conseillers reprochent au maire d’être intervenu dans des dossiers municipaux sans les informer qu’il y détenait des intérêts personnels.
C’est d’ailleurs à ce sujet que le maire a été cité en déontologie le 20 juillet. La CMQ lui reproche notamment d’avoir pris part à des négociations avec un développeur immobilier au sujet de la construction d’un dispositif de traitement des eaux usées.
La compagnie du maire, Les Terres du Soleil inc., est propriétaire d’immeubles à proximité du projet.
Le maire est aussi soupçonné de s’être impliqué dans des discussions concernant un raccordement d’égouts dans un secteur où son entreprise possède aussi des immeubles, sans divulguer son intérêt.
S’il est reconnu coupable, André Chenail pourrait écoper d’une sanction allant jusqu’à la suspension.
« C’est une municipalité un peu fragilisée, naturellement, puisqu’elle est en administration provisoire, avec un maire qui est en plus cité en déontologie municipale et à qui on reproche sept manquements », résume la porte-parole de la CMQ, Isabelle Rivoal.
À titre d’élu municipal, M. Chenail a été formé en 2017 sur les conflits d’intérêts lors d’un cours obligatoire de deux heures sur l’éthique et la déontologie en matière municipale.
UN « FIN MANIPULATEUR »
« Le maire a 74 ans. Il est multimillionnaire. Il a plein de terrains partout. Son but, c’était de raccorder ses terrains aux égouts [...] On le savait depuis le début [que le maire voulait faire ça]. On avait un oeil dessus. Mais c’est un fin manipulateur », affirme l’ex-conseillère Sophie Provost, qui fait partie des démissionnaires.
« Ça fait 22 ans que je suis conseiller. Je n’ai pas quitté parce que je ne voulais pas finir ma job […] mais pour que les Affaires municipales viennent voir ce qui se passe », lance le conseiller démissionnaire Marcel Tremblay.
Il affirme par exemple que le maire aurait suggéré que la trajectoire du raccordement du centre communautaire aux égouts passe par ses terres.
« Il dit : “non non non, je ne veux pas les égouts, mais on va passer le tuyau là quand même”. [...] Voyons, tabarnouche. Il nous prend-tu pour des dindes ? »
D’anciens et d’actuels employés municipaux ont aussi confié à notre Bureau d’enquête, sous le couvert de l’anonymat, vivre ou avoir vécu un climat de travail tendu à l’Hôtel de Ville.
« TOUT VA TRÈS, TRÈS BIEN »
Le maire André Chenail jure de son côté que tout va « très, très bien » au sein de sa ville. Joint par notre Bureau d’enquête, il a juré n’avoir jamais été en conflit d’intérêts.
« Malheureusement, il y a des gens qui ont décidé de faire de la politicaillerie. La population de Sainte-Clotilde jugera quand il y aura des élections. Mais pour le moment, je suis au service des contribuables et je collabore à 200 % avec les Affaires municipales. »
M. Chenail nous a indiqué vouloir rester en poste même s’il est reconnu coupable et envisager déjà un second mandat de maire.