Coincés au Liban avec un nouveau-né
Un homme de Laval ne veut pas revenir sans son bébé et sa femme qui attend son visa pour entrer au Canada
Un Lavallois originaire du Liban, parti rejoindre sa femme à Beyrouth pour la naissance de leur enfant tout juste avant l’explosion dévastatrice, exhorte le Canada d’accélérer le processus de parrainage de son épouse vu l’instabilité dans ce pays.
« Il n’est pas question que je reparte à Montréal sans ma famille, tranche Amer Mansour, 24 ans. La situation au Liban deviendra très dangereuse du côté politique. »
La gigantesque explosion du 4 août dernier au port de Beyrouth, qui serait attribuable aux 2750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans un entrepôt depuis des années, a ravivé la colère des Libanais contre leur gouvernement.
Depuis, le mouvement de protestation populaire ne cesse de prendre de l’ampleur, ce qui fait appréhender le pire au Lavallois d’adoption.
Lundi soir, le premier ministre libanais, Hassan Diab, a annoncé la démission de son gouvernement. Cette capitulation ne devrait toutefois pas satisfaire le peuple qui réclame le départ de toute la classe politique accusée de corruption et d’incompétence.
« La révolte est partout », lance M. Mansour, qui s’est réfugié deux jours après l’explosion dans un hôtel de Tripoli avec sa femme, Loubaba El Alti, 21 ans, et leur fillette, Abir, née le 22 juillet.
« On s’est déplacés à Tripoli parce que l’air est moins toxique, ajoute le père. Ça pourrait être dangereux pour la santé du bébé. »
ACCÉLÉRER LE PARRAINAGE
Né au Texas de parents beyrouthins, Amer Mansour habite Laval avec sa famille depuis l’âge de 4 ans. Il est aujourd’hui travailleur autonome en entretien paysager l’été, et en déneigement l’hiver.
Lui et la petite Abir sont citoyens canadiens.
En décembre dernier, il a fait une demande de parrainage de sa femme, avec qui il est marié depuis le 1er août 2019, afin qu’elle obtienne sa résidence permanente du Canada.
« Les délais de traitement pour les dossiers de parrainage d’un conjoint sont habituellement de 12 à 18 mois, fait valoir l’avocat spécialisé en immigration Stéphane Handfield. Mais avec la COVID, l’attente a explosé. »
Au Liban depuis le 17 juillet, M. Mansour devait rentrer à Montréal le 19 août.
« Mais il est hors de question de rentrer sans ma famille, surtout pas après cet accident », plaide-t-il.
Selon Me Handfield, le seul moyen pour Loubaba El Alti de rentrer rapidement au pays serait « que le ministre de l’Immigration du Canada délivre un permis de résidence temporaire pour des raisons humanitaires compte tenu de la situation au Liban ».
La famille pourrait ainsi être réunie au Canada pendant l’étude du dossier de parrainage.
« J’ai appelé aujourd’hui [lundi], les documents sont avec l’Immigration du Québec. Mais je veux les ramener avec moi » laisse tomber M. Mansour.
SANS ABRI
Comme 300 000 autres Beyrouthins, la famille de Loubaba El Alti se retrouve sans abri.
La maison familiale située à deux kilomètres du port a été lourdement endommagée.
« Quand la terre a commencé à trembler, on est allés se cacher dans le corridor parce qu’il n’y a pas de fenêtres, raconte M. Mansour. Après 15 minutes, on est sortis dehors. C’était catastrophique. Il y avait du sang sur le sol, les voisins criaient, on ne savait pas quoi faire. »
Mais même à Tripoli où la famille a fui, à 80 kilomètres de Beyrouth, le souffle de l’explosion se fait sentir.
« Il n’y a pas d’électricité, pas de réfrigérateur pour mettre le lait de mon enfant, on est mal nourris, la bouffe est trop chère, l’eau n’est pas potable, poursuit-il. Je ne sais pas quoi faire. Je voulais aller en Turquie, mais mon bébé n’a pas de passeport. On est coincés au Liban. »
Au moment d’écrire ces lignes, ni le gouvernement provincial ni le gouvernement fédéral n’avaient accordé d’entrevue au
Journal.