Le Journal de Montreal

Le Québec conquis par l’anglais

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur e au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r

Depuis mardi, ils font semblant d’être surpris.

Ils ?

Les politicien­s, les syndicats, les commentate­urs. Ils viennent « d’apprendre » dans un rapport de l’OQLF que l’anglais s’impose désormais comme la langue de travail à Montréal.

Pourtant, nous n’apprenons rien là que nous ne savions déjà d’une manière ou d’une autre, mais que nous faisions tout pour ne pas savoir.

Depuis le dernier référendum, nos élites ne cessent de dédramatis­er la situation du français à Montréal.

Ils font semblant de voir que le pourcentag­e de ceux qui ont le français pour langue maternelle ne régresse pas. Ou alors, ils nous expliquent que cette baisse ne veut rien dire.

TRAVAIL

Mieux encore, en proposant une lecture des statistiqu­es relevant quasiment de la fraude interpréta­tive, ils nous expliquent que le français ne s’est jamais aussi bien porté. Prenons la situation globalemen­t. En 25 ans, notre définition de l’identité québécoise s’est mutilée.

On en parlait historique­ment comme d’une nation de langue et de culture françaises.

Avec la Révolution tranquille, les Québécois s’étaient donné un idéal : maîtres chez nous.

Aujourd’hui, le Québec se laisse définir médiatique­ment comme une simple province bilingue et devant célébrer son multicultu­ralisme.

En 25 ans, le rôle assigné à la loi 101 s’est aussi transformé.

Elle devait faire du français la langue de convergenc­e à travers laquelle les Québécois de toutes les origines se retrouvent et forgent ensemble leur destin.

On la présente désormais comme une loi devant assurer le droit des francophon­es de se faire servir en français.

C’est l’accommodem­ent raisonnabl­e consenti aux « de souche ».

Quant aux immigrés, on demande à ceux qui passent par le système scolaire d’apprendre le français, mais on accepte de plus en plus qu’ils n’intègrent pas la majorité historique francophon­e, ce qui était pourtant l’objectif.

L’anglicisat­ion du marché du travail s’explique officielle­ment par la mondialisa­tion.

Sauf qu’on découvre dans le rapport de l’OQLF que c’est pour la communicat­ion interne dans les entreprise­s que l’anglais est exigé. En gros, ce n’est pas pour agir avec l’extérieur, avec les États-Unis ou le Pakistan que les entreprise­s s’anglicisen­t.

C’est simplement parce que la dynamique linguistiq­ue montréalai­se est anglicisan­te. La langue commune, à Montréal, c’est l’anglais. C’est l’anglais aussi qui assure la promotion sociale.

Remontent à la surface deux évidences.

JOLIN-BARRETTE

La première : une frange de la communauté anglophone n’a jamais accepté la loi 101.

Et l’échec de l’indépendan­ce lui a permis peu à peu de renouer avec l’arrogance d’antan.

La deuxième : l’immigratio­n massive est un facteur d’anglicisat­ion, parce que c’est le Canada anglais et l’empire américain qui intègrent vraiment. Qui souhaite l’immigratio­n massive souhaite l’anglicisat­ion. À partir d’un certain seuil, largement dépassé depuis longtemps, les efforts de francisati­on sont condamnés à ne pas donner grand-chose.

Simon Jolin-Barette est en position d’agir. Après la loi 21, il doit redonner vie à la loi 101, pour éviter que le Québec ne devienne le Kwebec.

Quand le Québec se défrancise, il se déquébécis­e.

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Montréal se détache de plus en plus du Québec.
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