Des doutes sur 918 M$ d’aide d’Ottawa
Les retombées de supergrappes comme l’intelligence artificielle sont non vérifiables
Création d’emploi maigrichonne, hausse timide du PIB, innovation impossible à mesurer… les retombées des supergrappes comme SCALE AI risquent d’être plus minces que prévu, prévient le directeur parlementaire du budget (DPB).
« Il semble très peu probable que le gouvernement atteigne son objectif de croissance du PIB de 50 milliards $ sur 10 ans. En effet, même en prenant un effet multiplicateur optimiste de 8,82, le PIB n’augmenterait que de 18 milliards $ », tranche Yves Giroux, directeur parlementaire du budget (DPB), dans une analyse récente publiée au début du mois.
En 2017, Ottawa a affecté 918 millions $ sur cinq ans à des supergrappes d’innovation pour créer 50 000 emplois sur 10 ans en plus de faire augmenter le PIB de 50 milliards $, rappelle le DPB.
VERS DES PROMESSES NON TENUES
Au Québec, la supergrappe SCALE AI coprésidée par Hélène Desmarais, administratrice, conjointe de Paul Desmarais fils, président du conseil et co-chef de la direction de Power Corporation, a reçu 230 millions $ d’Ottawa et 53,4 millions de Québec pour mener à bien sa mission.
Or, dans une analyse publiée le 6 octobre dernier, le directeur parlementaire du budget jette une lumière crue sur les promesses de l’ensemble des supergrappes, chapeautées par le ministère fédéral de l’Innovation.
OBJECTIFS IMPRÉCIS
Non seulement la création d'emploi risque d’être plus timide que prévue, l’augmentation du PIB plus faible qu’anticipé, mais le coeur même de leur mission, l’innovation, est pointée du doigt par le directeur parlementaire du budget, qui n’arrive pas à la mesurer, faute d’objectifs quantifiables.
« Par conséquent, le DPB ne peut pas dire si l’Initiative des supergrappes d’innovation (ISI) permet ou permettra véritablement d’accélérer l’innovation », va jusqu’à dire Yves Giroux dans son rapport de 14 pages.
À la lumière de l’analyse, Donald Riendeau, directeur général de l'Institut de la confiance dans les organisations (ICO), constate aussi que les résultats se font encore attendre.
« Lorsque l'on regarde des initiatives telles que la grappe pour l'IA, les intentions sont bonnes, mais il apparaît que les objectifs ne se réaliseront pas sur le long terme », a-t-il analysé.
Selon lui, il est important que le pays mise sur l’innovation, mais la compétition est féroce et les gouvernements doivent réajuster leur stratégie.
Joint par Le Journal, le PDG de SCALE AI, Julien Billot, n’a pas été en mesure d’accorder d’entrevue. Sa vice-présidente marketing, Isabelle Turcotte, a affirmé avoir lu l’analyse du directeur parlementaire du budget.
Elle a fait valoir que le rapport présente une photo en date du mois de mars 2020, alors que les opérations des supergrappes n’ont vraiment commencé qu’en mai 2019 et que le déploiement s’est accéléré ces derniers mois.
« Nous avons déjà dépassé nos objectifs de soutien aux projets de l’industrie pour l’année 2019-2020, avec des investissements totaux de 111 M$, sur un objectif de 65 M$, dont une proportion [71 M$ par les entreprises et 39 M$ par SCALE AI] beaucoup plus importante que prévu provenant des entreprises : pour chaque dollar investi par le gouvernement, l’industrie investit 1,80 $ », a-t-elle souligné.
Pour ce qui est de l’emploi, SCALE AI a fait valoir que ses projets allaient rimer avec la création de 2542 postes.
« Cela représente plus de 20 projets, alors que de nombreux autres sont en cours d’évaluation », a-t-elle précisé.