Le Journal de Montreal

Netflix et les clichés

À cause de la pandémie, la plupart des festivals sont annulés. Sauf le Festival des clichés, des stéréotype­s, des préjugés et de la caricature.

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher@quebecorme­dia.com

Mais où donc se déroule ce festival, me demandez-vous ? La réponse : sur les ondes de Netflix, qui diffuse depuis le 2 octobre l’imbuvable série Emily in Paris.

CIEL MON PARIS

Cette histoire ridicule d’une jeune Américaine débarquée à Paris sans parler un mot de français est moquée et ridiculisé­e sur toutes les tribunes en France : les Parisiens n’en reviennent pas qu’une série conçue par Darren Star (l’homme derrière Sex and the City) répète les mêmes vieux stéréotype­s éculés. Comme a dit un chroniqueu­r sur Europe 1, Emily in Paris devrait s’appeler : « Voulez-vous cliché avec moi ? »

On n’a même pas évité la scène hyper prévisible où la jeune Américaine met le pied dans du caca de chien sur un trottoir parisien.

Dans le Paris de Netflix, tout le monde est bête comme ses pieds, tout le monde est paresseux, tout le monde est infidèle, tout le monde déteste les douches, tout le monde boit trop et tout le monde fume partout.

Emily offre à sa nouvelle collègue de luncher avec elle. « Non, je fumerai une cigarette », répond cette Parisienne ultra mince qui a toujours une clope à la main (alors que fumer dans les bureaux est interdit en France depuis 2007 !).

Emily boit un verre de vin à 11 h du matin, puisque « le sancerre c’est le vin du petit déjeuner ».

Quand Emily se présente au travail à 7 h 30, elle se fait dire qu’en France personne ne travaille avant 10 h 30 !

Imaginez si une série servait des stéréotype­s sur n’importe quel autre groupe ethnique que les Français : ça crierait au racisme et à la xénophobie !

Et c’est sans compter sur des scènes totalement irréaliste­s.

Emily loge supposémen­t dans une « chambre de bonne », une pièce minuscule qui servait à la belle époque à loger les domestique­s. Or, sa « chambre de bonne » est un grand deux et demi, avec vue splendide des toits de la ville. Elle est si épatée qu’elle s’exclame : « Je me sens comme Nicole Kidman dans Moulin Rouge. »

Le plus navrant dans cette série, c’est que le personnage d’Emily est une cruche finie. Constammen­t en train de se prendre en selfie, elle est incapable d’apprendre des mots de base en français. On a l’impression qu’elle vient de Westmount, tellement elle est bloquée !

Incapable de s’habituer au fait qu’en France le premier étage est en fait le rez-de-chaussée, elle se trompe toujours d’appartemen­t quand elle veut rentrer chez elle.

Misère ! Au moins, le personnage de Carrie Bradshaw, même si elle était dépensière et tête en l’air, n’était pas une idiote finie.

Heureuseme­nt, les Parisiens ont réagi avec humour.

Certains rigolos se sont amusés à faire un montage où, parmi les images de la série, on a inséré des images de commerces en feu, de sans-abri, de poubelles débordant de détritus…

Le Paris de Netflix est tellement « carte postale », avec les bérets sur la tête, les pains au chocolat et Montmartre...

Ça aurait été chouette que les créateurs de Emily in Paris se renseignen­t un peu plus sur la ville : un peu moins de Moulin-Rouge, un peu plus de Gilets jaunes.

Ça aurait été chouette que les créateurs de Emily in Paris se renseignen­t un peu plus sur la ville...

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