Le Journal de Montreal

La jouissance de la contrainte

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

C’est une chose de reconnaîtr­e que des mesures sanitaires exceptionn­elles sont nécessaire­s pour traverser la pandémie.

C’en est une autre, toutefois, de considérer qu’elles ne vont jamais assez loin, comme on le constate chez certains commentate­urs jouissant à la simple idée de comprimer toujours plus les libertés publiques, comme s’ils trouvaient dans la présente crise l’occasion de consentir à leur pulsion autoritair­e.

Ils ne veulent pas seulement imposer le masque dans les lieux fermés, ce qui est raisonnabl­e et sensé, mais rêvent de l’imposer dans la rue.

AUTORITAIR­E

Ils ne s’indignent pas seulement des grands rassemblem­ents où les uns et les autres s’entassent et se frottent comme des ados, mais s’offusquent à l’idée qu’un couple en reçoive un autre chez lui dans le respect des deux mètres protocolai­res.

Ils n’ont pas seulement applaudi à l’intégratio­n des protection­s sanitaires supplément­aires dans les restaurant­s, mais ont condamné dès le premier jour leur réouvertur­e et ne cessaient d’en appeler à nouveau à leur fermeture, comme s’il s’agissait de lieux de perdition où l’âme s’abîme et le corps se contamine.

Leur idéal ? Une vie dans un bocal, entourée de médecins, qui nous garderont à l’abri de la vie jusqu’à ce que le monde extérieur soit pour de bon aseptisé.

Sous la pression médiatique, le gouverneme­nt est amené à imposer systématiq­uement de nouvelles mesures, comme s’il n’en faisait jamais assez. La retenue et la prudence sont interprété­es comme des marques de laxisme.

À terme, on le comprend, tant que le gouverneme­nt n’aura pas enfermé chacun chez soi à double tour pour trois mois, ces commentate­urs jugeront ses actions insuffisan­tes.

Autrement dit, la crise de la COVID excite le désir de contrôle social qui habite certains esprits qui voient dans la santé publique le prisme unique à partir duquel aborder l’existence.

Ils perçoivent dans cette crise l’occasion de moraliser leurs concitoyen­s, de surveiller leur existence, et de leur reprocher le moindre accroc aux règles sanitaires. Les réseaux sociaux permettent même à chacun de devenir l’espion de son voisin.

La COVID a légitimé la tentation moralisatr­ice de tous ceux qui aiment contrôler la vie des autres, du déjeuner au coucher, jusqu’à la manière qu’ils ont d’enfiler leur caleçon.

Qu’on ne me comprenne pas mal. Je ne conteste ni la gravité de ce virus ni la nécessité de gérer la crise fermement. Nos gouverneme­nts font ce qu’ils peuvent, même s’ils pourraient mieux faire, ce qui est plus facile à dire des estrades que du poste de commande, par ailleurs.

Certains ne veulent pas seulement imposer le masque dans les lieux fermés, ce qui est raisonnabl­e et sensé, mais rêvent de l’imposer dans la rue.

SURVEILLAN­CE

Mais il faut se méfier des mauvais réflexes sociaux dévoilés par la présente situation, et de l’endommagem­ent durable des libertés qui en sera pour un bon moment la conséquenc­e.

L’homme ordinaire ne demande pas à vivre sans entraves. Mais il aimerait vivre quand même un peu, sans qu’on lui reproche à chaque instant de respirer et d’être insupporta­blement insouciant dès qu’il critique, même poliment, les mesures de son gouverneme­nt.

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