La jouissance de la contrainte
C’est une chose de reconnaître que des mesures sanitaires exceptionnelles sont nécessaires pour traverser la pandémie.
C’en est une autre, toutefois, de considérer qu’elles ne vont jamais assez loin, comme on le constate chez certains commentateurs jouissant à la simple idée de comprimer toujours plus les libertés publiques, comme s’ils trouvaient dans la présente crise l’occasion de consentir à leur pulsion autoritaire.
Ils ne veulent pas seulement imposer le masque dans les lieux fermés, ce qui est raisonnable et sensé, mais rêvent de l’imposer dans la rue.
AUTORITAIRE
Ils ne s’indignent pas seulement des grands rassemblements où les uns et les autres s’entassent et se frottent comme des ados, mais s’offusquent à l’idée qu’un couple en reçoive un autre chez lui dans le respect des deux mètres protocolaires.
Ils n’ont pas seulement applaudi à l’intégration des protections sanitaires supplémentaires dans les restaurants, mais ont condamné dès le premier jour leur réouverture et ne cessaient d’en appeler à nouveau à leur fermeture, comme s’il s’agissait de lieux de perdition où l’âme s’abîme et le corps se contamine.
Leur idéal ? Une vie dans un bocal, entourée de médecins, qui nous garderont à l’abri de la vie jusqu’à ce que le monde extérieur soit pour de bon aseptisé.
Sous la pression médiatique, le gouvernement est amené à imposer systématiquement de nouvelles mesures, comme s’il n’en faisait jamais assez. La retenue et la prudence sont interprétées comme des marques de laxisme.
À terme, on le comprend, tant que le gouvernement n’aura pas enfermé chacun chez soi à double tour pour trois mois, ces commentateurs jugeront ses actions insuffisantes.
Autrement dit, la crise de la COVID excite le désir de contrôle social qui habite certains esprits qui voient dans la santé publique le prisme unique à partir duquel aborder l’existence.
Ils perçoivent dans cette crise l’occasion de moraliser leurs concitoyens, de surveiller leur existence, et de leur reprocher le moindre accroc aux règles sanitaires. Les réseaux sociaux permettent même à chacun de devenir l’espion de son voisin.
La COVID a légitimé la tentation moralisatrice de tous ceux qui aiment contrôler la vie des autres, du déjeuner au coucher, jusqu’à la manière qu’ils ont d’enfiler leur caleçon.
Qu’on ne me comprenne pas mal. Je ne conteste ni la gravité de ce virus ni la nécessité de gérer la crise fermement. Nos gouvernements font ce qu’ils peuvent, même s’ils pourraient mieux faire, ce qui est plus facile à dire des estrades que du poste de commande, par ailleurs.
Certains ne veulent pas seulement imposer le masque dans les lieux fermés, ce qui est raisonnable et sensé, mais rêvent de l’imposer dans la rue.
SURVEILLANCE
Mais il faut se méfier des mauvais réflexes sociaux dévoilés par la présente situation, et de l’endommagement durable des libertés qui en sera pour un bon moment la conséquence.
L’homme ordinaire ne demande pas à vivre sans entraves. Mais il aimerait vivre quand même un peu, sans qu’on lui reproche à chaque instant de respirer et d’être insupportablement insouciant dès qu’il critique, même poliment, les mesures de son gouvernement.