Pénurie criante en service de garde
Les ratios du nombre d’élèves par adulte et le principe des bulles-classes n’y sont pas respectés
La pénurie de personnel frappe si fort dans les services de garde que des directeurs d’école doivent parfois s’occuper de groupes d’élèves.
« En 10 ans, je n’ai jamais vécu ça », s’étonne Jade (nom fictif), qui préfère garder l’anonymat pour éviter des représailles de son employeur.
Elle gère le service de garde d’une école primaire de l’Outaouais. Certains midis, elle ne dispose que de quatre éducatrices pour surveiller plus de 200 enfants qui jouent dans la cour, illustre-t-elle.
La raison ? Une pénurie de personnel qui existait déjà avant dans les écoles et qui est maintenant exacerbée par la pandémie. On manque non seulement d’enseignants, mais de... concierges, éducatrices, techniciens en éducation spécialisée.
On recherche même de façon criante des surveillants d’élèves à temps partiel, un poste qui était souvent occupé par des personnes retraitées… et qui ont quitté leur travail pour ne pas attraper le coronavirus, explique Simon Dostie-Cormier, président du Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais.
LE COÛT DE LA PRÉVENTION
Sur la vingtaine d’éducatrices que compte l’école de Jade, il en manque entre deux et trois chaque jour. Elles doivent s’absenter par prévention, soit parce qu’elles ont un mal de gorge, soit que leur enfant a le nez qui coule.
« Il y a un jour où [les deux directeurs de l’école] ont dû prendre un groupe », sans quoi il n’y aurait eu personne pour s’occuper des jeunes, raconte Jade.
C’était le 28 septembre. Il manquait pas moins de sept employés.
Le problème est généralisé. Le gouvernement recherche 500 éducatrices à travers le Québec.
Mais les besoins réels pourraient être encore plus grands. Au début octobre, une vingtaine de centres de services interrogés par Le Journal avaient encore 210 postes à pourvoir en service de garde.
Par exemple, il en manquait encore 51 au Centre de services de Saint-Hyacinthe.
Le gouvernement a d’ailleurs lancé « Répondez présent », une plateforme de recrutement spécifique pour les écoles. En un peu moins de deux semaines, plus de
« IL Y EN A QUI NOUS DISENT : “JE VAIS ALLER TRAVAILLER DANS TEL FAST FOOD, JE VAIS AVOIR PLUS D’HEURES”. » – Simon Dostie-Cormier, Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais
37 200 personnes s’y sont inscrites.
« Il y a un bel engouement », se réjouit le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.
Il se dit convaincu que cette campagne permettra de recruter plus de 2000 éducatrices, surveillants et concierges d’ici Noël.
En attendant, le manque est si criant que le ratio de 20 jeunes par adulte est souvent impossible à respecter, tout comme la consigne de ne pas mélanger différentes bulles-classes au service de garde.
« Il y a toujours des exceptions, concède M. Roberge. Personne ne s’attend à ce que tout soit parfait. Mais de manière générale, les règles sont respectées. »
Ce n’est toutefois pas ce qu’observe Eric Pronovost, qui représente le personnel de soutien de 25 centres de services, de l’Outaouais à la Gaspésie.
« Des fois, il y a 8 ou 12 bulles-classes réunies. » Et ces situations ne sont exceptionnelles dans aucune des régions qu’il représente, ajoute-t-il.
PAS ATTIRANT
Selon plusieurs, ces emplois ne sont tout simplement pas attrayants, avec des offres de moins de 10 heures par semaine et des horaires brisés.
« Il y en a qui nous disent : “je vais aller travailler dans tel fast food, je vais avoir plus d’heures” », illustre Simon Dostie-Cormier. Il y aurait pourtant moyen d’employer ces éducatrices à une panoplie d’autres tâches entre leurs quarts de travail.
Par exemple, une personne embauchée par le service de garde sur l’heure du dîner ne pourrait-elle pas aider à la désinfection des locaux ou à surveiller les récréations ?
De tels aménagements sont déjà possibles, assure le ministre Roberge. Et avec les 85 millions $ octroyés en septembre aux écoles pour faire face à la pandémie, cela devrait permettre d’augmenter le nombre d’heures de personnes déjà en poste.
« Si c’est déjà possible, le message ne se rend pas sur le terrain », rétorque M. Pronovost.