Le Journal de Montreal

« Je veux garder ma classe ! »

- DOMINIQUE SCALI

Des étudiants qui prêtent déjà main-forte dans les écoles en pénurie dénoncent la rigidité des règles qui les obligent à abandonner leurs élèves en plein milieu d’année pour aller faire un stage semblable ailleurs.

« Mes élèves, que j’adore, vont se retrouver sans prof titulaire », affirme avec consternat­ion Francis Pellerin-Venne, 24 ans, étudiant au baccalauré­at en adaptation scolaire à l’UQAM.

Grâce aux cours à distance qu’il peut rattraper en différé, il étudie le soir et les fins de semaine. Le jour, il enseigne à temps plein à un groupe de jeunes autistes dans une école primaire de Montréal.

Or, dès janvier, il devra laisser cette classe pour prendre en charge la classe de quelqu’un d’autre afin de compléter le dernier stage de son parcours universita­ire.

Il croit qu’il serait plus logique de faire ce stage dans sa classe actuelle, ce qui éviterait à ses élèves qui ont un grand besoin de stabilité de se réadapter à un nouveau prof, qui n’aura probableme­nt aucune formation en enseigneme­nt tant la pénurie est grande.

PÉNURIE CRIANTE

Le Journal a parlé à cinq étudiants, qui sont vers la fin de leur parcours scolaire en éducation à l’UQAM, qui ont pris en charge une classe cet automne.

« Je ne serais pas obligé de faire ça. Je pourrais me contenter de faire mes cours. Mais je le sais que ça aide les élèves et la société », dit M. Pellerin-Venne.

Il y a même de bonnes chances qu’il n’y ait personne pour les remplacer dans leur classe et que les suppléants s’y succèdent, se seraient fait dire plusieurs étudiants.

De son côté, l’UQAM rappelle qu’elle doit parfois protéger les étudiants contre les demandes d’écoles qui voudraient les envoyer au front sans soutien.

Par exemple, certains centres de services veulent accueillir des stagiaires, mais n’ont personne pour les superviser, illustre Henri Boudreault, vice-doyen aux études de la Faculté des sciences de l’éducation. « C’est inacceptab­le. »

S’ADAPTER

De plus, pour que les futurs profs aient accès à un stage en milieu d’emploi plutôt qu’un stage convention­nel, ils doivent répondre à des critères, notamment dans leurs résultats académique­s.

Mais même ceux qui y répondent se butent à un refus.

« On nous dit juste qu’il y a des règles et que c’est comme ça », témoigne Kim (nom fictif), qui a préféré taire son nom pour ne pas nuire à l’emploi qu’elle occupe dans une école en Montérégie. « C’est un peu ridicule. Ce n’est vraiment pas penser au bien-être des élèves. On est en adaptation scolaire, et eux [à l’université] ne s’adaptent juste pas », conclut-elle.

Par ailleurs, les règles de stages sont encadrées par le ministère de l’Enseigneme­nt supérieur. Il faudrait qu’un assoupliss­ement vienne d’en haut, ajoute M. Boudreault.

Contacté par Le Journal, le ministère indique que « les université­s sont autonomes quant à l’organisati­on des stages ».

« JE NE SERAIS PAS OBLIGÉ DE FAIRE ÇA. JE POURRAIS ME CONTENTER DE FAIRE MES COURS. MAIS JE LE SAIS QUE ÇA AIDE LES ÉLÈVES ET LA SOCIÉTÉ. »

– Francis Pellerin-Venne, étudiant et professeur remplaçant

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PHOTO DOMINIQUE SCALI Francis Pellerin-Venne, 24 ans, fait partie des nombreux étudiants en enseigneme­nt qui sont déjà titulaires d’une classe de primaire cet automne, tant les écoles s’arrachent les futurs profs.

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