Les écrans « ont remplacé » les gardiennes
Des pédiatres inquiets par les cas de cyberdépendance chez les jeunes durant la pandémie
Le confinement et les restrictions ont ouvert la porte à une augmentation importante du temps d’écran chez les jeunes. « Du simple au double », évalue une pédiatre qui dénonce le fait que les écrans jouent souvent le rôle d’une « gardienne ».
D’après une enquête menée par Statistique Canada entre le 29 mars et le 3 avril 2020, 75 % des Canadiens âgés de 15 à 49 ans ont rapporté passer plus de temps sur internet et, 66 % d’entre eux, plus de temps devant la télévision qu’avant la crise sanitaire.
Pour l’instant, aucune étude ne cible directement l’augmentation du temps d’écran pour les jeunes du Québec durant le confinement du printemps dernier. Cependant, la Dre Julie St-Pierre, pédiatre au Centre universitaire de Santé McGill, est catégorique : « C’est passé du simple au double ».
« On a vu des cas de cyberdépendances occasionnées par une désorganisation familiale. Du jour au lendemain, les parents se sont retrouvés avec une gestion de la famille en même temps que du travail à la maison. Ils ont été un peu dépassés par l’ampleur de la situation », explique-t-elle.
DES IMPACTS IMPORTANTS
D’après la pédiatre, pendant cette période, il y a eu une « forme de confusion » entre les appareils électroniques et ce qu’on appelait traditionnellement des gardiennes.
« Les écrans les ont remplacées, on leur a conféré ce rôle, alors qu’on sait que c’est très addictif pour les enfants. Mais on a appris du premier confinement, il ne faut pas répéter les mêmes erreurs », souligne-t-elle.
Néanmoins, l’utilité des écrans en situation de crise sanitaire peut aussi prévaloir sur les inconvénients qu’ils peuvent occasionner (voir autre texte).
Les effets de la surconsommation d’écrans apportent toutefois leur lot de complications sur la vie et le développement des adultes de demain. Notamment sur leur capacité d’endormissement et leur qualité de sommeil.
« Ça a un impact direct sur la production, la tolérance, l’humeur et les fringales alimentaires – qui seront plus récurrentes – de l’enfant », indique la Dre St-Pierre.
UNE ÉCHAPPATOIRE
Même son de cloche du côté du pédiatre Pierre-C. Poulin, qui avait notamment écrit une lettre ouverte en février 2019 pour dénoncer la surmédication des jeunes souffrant de TDAH.
Il recommandait, entre autres, une diminution du temps consacré aux écrans pour réduire le nombre de prescriptions associées à ce trouble.
« En ce moment [les jeunes] sont un peu pris avec [les écrans] comme échappatoire parce qu’ils ne peuvent pas voir leurs amis, l’école est à distance une journée sur deux pour certains et on leur a enlevé leur sport d’équipe », déplore-t-il.
« Il ne serait pas surprenant que le confinement, la période d’incertitude actuelle et l’utilisation exacerbée des écrans mènent à une augmentation des troubles anxieux et de la médication chez les jeunes dans les prochains mois », estime le Dr Poulin, se disant « inquiet » de l’espace qu’ont pris les écrans durant la crise sanitaire.