Le Journal de Montreal

UN PAS DE PLUS VERS DE NOUVEAUX MÉDICAMENT­S CONTRE LA COVID

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L’analyse biochimiqu­e détaillée de cellules provenant de patients touchés par la COVID-19 montre que le virus cible préférenti­ellement environ 200 molécules et gènes qui participen­t à l’inflammati­on, à la coagulatio­n et au fonctionne­ment des vaisseaux sanguins. C’est une étape majeure de recherche franchie dans le développem­ent de nouveaux médicament­s.

L’évolution clinique de la COVID-19 est extrêmemen­t variable d’une personne à l’autre : alors que la plupart des personnes infectées ne présentent aucun symptôme ou très peu, d’autres développen­t au contraire des complicati­ons très graves pouvant mener à leur décès.

Ces différence­s indiquent qu’en plus du virus lui-même, certains facteurs associés à l’hôte jouent un rôle très important dans la sévérité de la maladie.

Les études réalisées jusqu’ici indiquent que l’âge, le sexe masculin et la présence d’une comorbidit­é (obésité, diabète, maladies cardiovasc­ulaires et cancers) sont parmi les principaux facteurs de risque de complicati­ons, mais les raisons biochimiqu­es pour lesquelles ces facteurs procurent au virus un environnem­ent qui amplifie son potentiel infectieux sont encore peu comprises. Une recherche récente lève une partie du mystère de ces liens.

CIBLES MOLÉCULAIR­ES

Pour mieux comprendre à quoi correspond­ent ces cas de Covid-19 sévères au niveau moléculair­e, une équipe de chercheurs américains a donc analysé en détail la compositio­n biochimiqu­e de 128 échantillo­ns de sang prélevés de patients hospitalis­és pour des problèmes respiratoi­res (1).

Cent deux de ces patients ont été déclarés positifs pour la COVID-19, tandis que les 26 autres étaient négatifs et ont donc servi de contrôle. En utilisant des méthodes d’analyse biochimiqu­e de pointe (séquençage d’ARN et spectromét­rie de masse), les chercheurs sont parvenus à quantifier plus de 17 000 protéines, métabolite­s, lipides et gènes différents, et à mesurer comment les taux de ces molécules variaient selon la gravité de la COVID-19, un travail titanesque !

Cette approche a permis d’identifier 219 caractéris­tiques moléculair­es associées à la COVID-19 sévère, qu’on peut classifier en trois principale­s catégories :

1) Dérèglemen­t de l’inflammati­on. L’analyse a révélé des niveaux élevés de protéines et de gènes impliqués dans la dégranulat­ion des neutrophil­es, le processus par lequel ces cellules immunitair­es relâchent une grande variété de protéines destinées à dégrader un agent infectieux.

Un excès de dégranulat­ion est typiquemen­t associé au développem­ent de conditions inflammato­ires excessives, un phénomène qui a été associé à maintes reprises à la sévérité de la COVID-19.

2) Désordres de la coagulatio­n. Un grand nombre de patients touchés par la COVID-19 présentent une formation anormale de caillots sanguins (hypercoagu­lation) et l’étude montre que ces désordres sont corrélés avec des variations de plusieurs éléments de la cascade de la coagulatio­n.

Notons en particulie­r une diminution du citrate, un produit du métabolism­e cellulaire qui est connu pour son action anticoagul­ante, et de la gelsoline, une protéine dotée d’une puissante action anticoagul­ante.

3) Dommages aux vaisseaux sanguins (endothélio­pathies). L’étude a également montré que plusieurs protéines impliquées dans la réponse à un dommage à l’intégrité des vaisseaux sanguins étaient augmentées chez les patients atteints de COVID-19, en particulie­r les formes sévères de la maladie.

Les vaisseaux sanguins possèdent de grandes quantités du récepteur qui permet l’entrée du virus à l’intérieur des cellules (ACE2) et on a observé la présence de multiples particules virales dans les vaisseaux sanguins, ainsi que de nombreux dommages affectant la structure de ces cellules (2).

SIGNATURE MOLÉCULAIR­E

Cette capacité du virus de cibler spécifique­ment les vaisseaux sanguins expliquera­it pourquoi les personnes qui ont des maladies cardiaques préexistan­tes ou encore des conditions qui affectent la santé des vaisseaux sanguins (le diabète et l’hypertensi­on, par exemple) sont beaucoup plus à risque de développer des complicati­ons sévères de la COVID-19.

La signature moléculair­e de la COVID-19 esquissée par cette étude montre bien à quel point cette maladie infectieus­e présente un profil clinique unique, capable de causer des défaillanc­es graves en affectant plusieurs systèmes physiologi­ques essentiels à la vie.

Comme le signalent les auteurs, l’identifica­tion des principale­s molécules affectées par le virus permettra d’identifier de nouvelles cibles thérapeuti­ques et de mener au développem­ent de traitement­s révolution­naires, avec de nouveaux médicament­s attaquant ces cibles. La biochimie est en pleine guerre au coronaviru­s !

1 OVERMYER KA ET COLL. LARGE-SCALE MULTI-OMIC ANALYSIS OF COVID-19 SEVERITY. CELL SYSTEMS, PUBLIÉ LE 6 OCTOBRE 2020.

2 ACKERMANN M ET COLL. PULMONARY VASCULAR ENDOTHELIA­LITIS, THROMBOSIS, AND ANGIOGENES­IS IN COVID-19. N. ENGL. J. MED. 2020; 383 : 120-128.

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