Le Journal de Montreal

UNE BATAILLE QUOTIDIENN­E

L’ancien combattant publie un livre sur son parcours de vie

- Mathieu Boulay MBoulayJDM mathieu.boulay@quebecorme­dia.com

Ali Nestor est la preuve vivante qu’il est possible de trébucher, mais aussi de se relever de belle façon par la suite. Le parcours de cet ancien combattant a toujours été inspirant pour les jeunes de la rue, mais aussi pour le reste de la population.

Son livre Moi, Ali Nestor - Petit prince de la rue, qui sera lancé mercredi, permet aux lecteurs de connaître le cheminemen­t de cet ancien combattant qui a déjà été un membre en règle d’un gang de rue.

« J’ai commencé à écrire le livre en 2003, explique Ali Nestor lors d’une généreuse entrevue avec Le Journal de Montréal. À l’origine, ça ne devait pas être un livre, mais un manuscrit ou un journal pour les centres jeunesse et les écoles.

« Je suis parti en voyage et je pensais écrire cela en deux semaines. Ce n’est pas arrivé. Puis, après avoir participé à une émission de radio dans les derniers mois, une éditrice m’a demandé d’écrire un livre. La seule chose que j’ai demandée, c’est que je ne voulais pas qu’on dénature mes propos. »

Ça lui aura donc pris 17 ans pour compléter l’ouvrage sur son cheminemen­t dans les gangs de rue et sa rédemption.

« Je suis content de ne pas l’avoir terminé en 2003. On ne pense pas de la même façon à 40 ans qu’à 30 ans. Ta perception et ton expérience de vie ne sont pas les mêmes. »

DE LA DÉTERMINAT­ION

Le livre de Nestor, dont la préface est signée par Justin Trudeau, Denis Coderre et David Heurtel, est la suite logique du travail accompli par son organisme « Ali et les Prince.sse.s de la rue » au cours des 19 dernières années.

Ce ne fut pas toujours facile pour Nestor de trouver les appuis nécessaire­s pour lui permettre d’amener son projet de départ à bon port.

Le Québécois d’origine haïtienne n’a jamais douté de sa vision même lorsqu’il était dans son petit gymnase de Saint-Léonard, dans l’est de Montréal. Aujourd’hui, il possède un centre où les sports de combat et l’éducation se côtoient sous un même toit. Son rêve est devenu réalité.

« Je me suis battu pour faire reconnaîtr­e l’efficacité de mon programme, précise Nestor. On cognait à toutes les portes, mais on ne recevait pas d’aide.

« Plusieurs personnes voyaient cela d’un mauvais oeil d’aider les jeunes par l’entremise des sports de combat. Il y avait beaucoup de préjugés sur les jeunes de la rue.

« Si je n’avais pas persévéré, on n’aurait pas le même impact médiatique aujourd’hui. Les gens comprennen­t mieux la situation des jeunes en difficulté. »

ATTEINTE DU BONHEUR

Chaque personne possède sa recette du bonheur. Celle de Nestor ne com

prend pas beaucoup d’ingrédient­s.

« Ma plus grande réalisatio­n est de pouvoir venir ici [au centre d’Ali et les Prince.sse.s de la rue] tous les jours et de pouvoir voir l’évolution des jeunes et de leur donner la possibilit­é d’avoir un meilleur avenir. »

L’organisme de Nestor accueille environ 300 jeunes par année. L’ancien boxeur ne connaît pas son taux de réussite. Par contre, sa paye n’est pas seulement monétaire.

« Il n’y a pas longtemps, il y a un jeune qui est revenu 15 ans après son passage chez nous, explique-t-il. Au début, je ne l’ai pas reconnu. Il a maintenant quatre enfants et il fait un métier qu’il aime.

« Ça m’a permis de me confirmer que je ne fais pas tout cela pour rien. Il m’a mentionné que son séjour avec nous a été marquant dans sa vie. Ça n’a pas de prix. »

Ce type de témoignage permet d’adoucir les histoires qui tournent mal.

« Je connais des jeunes qui sont décédés par suicide. Chaque fois, ça m’a donné un coup de poignard. Lorsque ces tristes événements sont arrivés, je me suis remis en question sur ce que je faisais et sur ma mission avec les jeunes. »

MÊME DYNAMIQUE

Est-ce que les jeunes d’aujourd’hui sont différents de ceux qu’ils voyaient au tournant des années 2000 ?

« C’est la même dynamique. La drogue et les armes à feu sont beaucoup plus accessible­s. Tu peux t’en procurer au coin de la rue assez facilement.

« J’ai une assez bonne relation avec mes jeunes pour savoir certaines choses et je vais me promener dans certains milieux. On est là pour donner du support et non emmerder qui que ce soit. »

Dans son livre, on découvre que Nestor ne s’ouvrait pas facilement avec les intervenan­ts des centres jeunesse qu’il a fréquentés durant les périodes turbulente­s de sa vie. Il était une huître jusqu’au jour où il a rencontré Michel Jetté qui est devenu son mentor dans sa mission avec les jeunes par la suite.

« Le lien de confiance est parfois difficile à aller chercher. Avec Michel, je ne sentais pas de l’insistance ou de l’autorité de sa part. C’est une méthode que j’ai conservée. Les jeunes ont besoin de sentir qu’ils ont une oreille qui peut les écouter sans les juger. »

FLAMME DIFFÉRENTE

Nestor n’est pas différent des autres boxeurs ou combattant­s. La flamme pour les combats est toujours bien présente à l’intérieur de lui.

« Tu ne peux pas la faire disparaîtr­e, souligne-t-il. Par contre, on peut l’amener ailleurs. Ma mission avec Ali et les prince.sse.s m’a permis de faire une transition en douceur entre la fin de ma carrière et mon avenir comme citoyen.

« Maintenant, mon combat, je le fais avec les jeunes au quotidien. Je ne suis qu’un outil pour eux. Lorsqu’ils s’en sortent, c’est parce qu’ils ont utilisé les bons outils pour le faire. »

Avec son organisme, Ali Nestor est capable de faire une différence dans la société depuis près de 20 ans. On peut penser que ce sera la même chose avec son livre.

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 ?? PHOTOS AGENCE QMI, JOËL LEMAY ET D’ARCHIVES ?? Ali Nestor tient dans sa main son livre qui sera lancé mercredi. À droite, des photos croquées après ses victoires contre Patrick Tessier (2009) et Victor Daychief (2008).
PHOTOS AGENCE QMI, JOËL LEMAY ET D’ARCHIVES Ali Nestor tient dans sa main son livre qui sera lancé mercredi. À droite, des photos croquées après ses victoires contre Patrick Tessier (2009) et Victor Daychief (2008).

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