Le Journal de Montreal

Gaëtan Hart : un livre intrigant

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Je lisais les premières pages du livre de Mélanie Hart. Mon père, Gaëtan Hart, et je ressentais un malaise.

Je me demandais à quoi rimait la démarche entamée par Mélanie Hart et son collaborat­eur Serge Amyot. En fait, ça ressemblai­t au début d’une longue thérapie, une marche douloureus­e par une fille pour essayer de retrouver un père.

Mais avec la sensation qu’il fallait commencer par détruire l’homme avant d’arriver à l’amour.

Tellement que j’ai parlé trois fois à Gaëtan Hart pendant la lecture du livre. Comme pour me rassurer que tout s’était bien passé.

Les trois fois, Gaëtan a été le Gaëtan que j’ai toujours connu depuis plus de 40 ans. Le Gaëtan dont j’ai couvert les douloureux combats contre Ralph Racine, laissé paralysé dans le ring au 11e round, et Cleveland Denny, qui devait mourir quelques jours après son combat au Stade olympique le 20 juin 1980.

Le Gaëtan Hart que j’ai accompagné à Cincinnati à l’automne 80 pour son combat de championna­t du monde contre le surdoué Aaron Pryor.

Le Gaëtan Hart qui accepte toute la misère qu’il a mangée parce qu’elle lui a aussi donné une gloire et des shots d’adrénaline que rien d’autre dans la vie ne pouvait lui apporter.

Dans son livre très bien écrit, Mélanie Hart a raison. La boxe aura été l’amour, la maîtresse, la passion qui aura tout consommé dans l’âme de son père.

L’HISTOIRE D’UNE QUÊTE D’AMOUR

Puis, j’ai avancé dans le livre. Découvrant à chaque page que l’écriture était belle, simple et généreuse.

Et que l’étalage des pages noires de la vie de Gaëtan Hart amenait Mélanie vers autre chose. Comme une quête.

J’oscillais entre deux vies qu’on me racontait. Celle du père, le boxeur avec sa gloire et sa misère, et celle de la fille, parfois très dure dans sa quête de la connaissan­ce d’un père, et d’autres fois généreuse dans son indulgence.

Avec cette impossibil­ité intrigante de ne jamais être certain de ce qui venait des huit ans de travail de Mélanie Hart et de ce qui était l’apport de Serge Amyot, son collaborat­eur.

J’ai pris deux heures avec Amyot, un ancien du Journal. C’est lui qui a foutu en l’air le bel ordre établi du livre. Mélanie racontait tous les combats de Gaëtan Hart sans jamais se livrer : « C’est moi qui lui ai dit de raconter ce qu’elle cherchait dans ce livre. Je voulais que ce soit sa démarche, sa recherche. Ça changeait tout », de raconter Amyot.

Il a raison. Ce n’est plus un livre de boxe pour connaisseu­rs ou fans. C’est un livre pour les femmes, pour les enfants, pour quiconque est intéressé à suivre une quête désespérée d’amour.

Mais ça a dû être souffrant et pénible pour Gaëtan Hart de lire les épreuves avant impression de sa « biographie ». Y a une limite pour un homme à se faire mettre sur le nez ses quatre vérités.

FAIRE CONNAÎTRE GAËTAN HART

J’ai évidemment jasé longtemps avec Mélanie Hart. Elle assume son livre comme Gaëtan Hart assume sa vie. Elle ne parle pas de thérapie. Elle parle d’un désir profond de connaître un homme, son père, et d’un besoin aussi pressant de raconter la vérité. Pour que Buckingham, son village, n’oublie jamais qui fut Gaëtan Hart.

Buckingham et tout le Québec. Mélanie Hart a longtemps refusé de porter le nom Hart. Elle était Mélanie, point final. Toute la recherche qu’elle a menée a nourri le moindre souvenir fugace de ses quatre ou cinq ans. Elle a revu son enfance au fil des articles puis des entrevues qu’elle découvrait. Puis, Serge Amyot qui s’est pris de passion pour ce livre, la poussait toujours plus loin. La mettait en porte à faux par ses questions.

Le résultat est étonnant. C’est un très bon livre. Mais c’est un livre qui fait mal. Parce que si Gaëtan Hart est une légende à Buckingham et dans l’Outaouais, et pour un Québec qui se souvient de lui, pour Mélanie Hart, il est la source de la douleur. La sienne, celle de son frère, celle de sa mère.

Mais en même temps, deux paragraphe­s plus loin, on comprend qu’elle a fait la paix avec ce passé. On sent pointer l’amour.

C’est tout, sauf banal.

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PHOTO COURTOISIE Mélanie Hart en compagnie de son père, Gaëtan Hart.

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