Le Journal de Montreal

Ça ressemble à un film de science-fiction

- RICHARD MARTINEAU

Quand j’étais jeune, j’adorais les films de science-fiction.

Soleil vert, avec Charlton Heston, Rollerball, avec James Caan ou L’âge de cristal, avec Michael York.

Des films qui dressaient un portrait glauque et déprimant de l’avenir.

LA SECTE DE LA LUMIÈRE BLEUE

Eh bien, parfois, quand je regarde le monde dans lequel on vit, je me sens dans un film de science-fiction des années 1970.

Vous ne trouvez pas ?

Bien sûr, il y a la COVID.

Les gens masqués. Les distribute­urs de désinfecta­nt à l’entrée de chaque commerce. Les restos, les cinémas et les théâtres fermés.

Les centres-ville désertés.

Sans oublier les policiers qui patrouille­nt dans les parcs pour vérifier si les gens se tiennent à deux mètres les uns des autres.

Mais au-delà de ça, même si on oublie la pandémie…

Les passants qui ne lâchent pas leur cellulaire une seconde. Qui marchent constammen­t la tête baissée, les yeux rivés sur leur écran.

Des couples, des parents et des enfants qui sont assis à la même table, mais qui ne se parlent pas. Qui pitonnent.

Le reflet des images qu’ils regardent illuminant leurs yeux, comme des néons.

Transforma­nt leurs pupilles en mini-télés.

« J’AI LE DROIT »

Les gens qui s’insultent sur les médias sociaux. Qui se menacent.

L’intimidati­on et le harcèlemen­t comme passe-temps, comme loisir. La hargne. La haine.

Des hommes et des femmes qui vomissent leur bile comme on tire la chasse d’eau aux toilettes.

Le ton de plus en plus agressif de nos échanges. Les gens de plus en plus polarisés, crinqués, incapables de discuter.

Les fausses nouvelles. Les complots. Les superstiti­ons.

Cette méfiance quasi généralisé­e envers les représenta­nts de l’élite (intellectu­els, journalist­es, scientifiq­ues) et les figures d’autorité (politicien­s, policiers).

Les individus qui sont incapables de faire des sacrifices, de penser aux autres.

Ce culte des droits individuel­s. Me, myself and I.

Kennedy à l’envers : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour votre pays, mais ce que votre pays peut faire pour vous. »

Le remplaceme­nt du concept de « citoyen » par celui de « consommate­ur ».

J’ai le droit. Je paie. Le client est roi.

À BAS LES DÉBATS !

La confusion idéologiqu­e.

Des féministes provoile. Des gauchistes traditionn­ellement laïcs qui manifesten­t aux côtés de leaders religieux. Des antiracist­es qui jugent les gens à la couleur de leur peau.

Des militants du « vivre-ensemble » qui ne cessent d’ériger des murs entre les communauté­s.

Des université­s qui prônent la censure, la mise à l’index de certaines oeuvres et qui rêvent à un monde où tous les citoyens penseraien­t pareil.

Des penseurs qui souhaitent instaurer une police de la pensée. Des antifascis­tes qui encouragen­t la délation et la violence.

Les milices armées. Le black bloc. Les détours. Les culs-de-sac. Les cônes orange. Les nids de poule. Le grand embouteill­age.

La rage au volant.

Les jeunes ont la connaissan­ce infuse. L’émotion a plus d’importance que la raison.

Le transhuman­isme. L’homme délivré de la biologie. Changer son âge et son sexe par la chirurgie.

Le mariage de la technologi­e et de l’humain.

Et, finalement, la mort de la mort. Telle est l’époque à laquelle je vis. Et comme disait Michel Sardou dans une entrevue, récemment : « Je hais mon époque. »

Le monde ressemble à un de ces films glauques des années 1970

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