Ce mot qui commence par la lettre « s »…
L’échange était fascinant. Respectueux, mais direct. Sans fioritures. Les regards des deux hommes en disaient même encore plus long que leur discussion. De quoi se parlaient-ils ? Du concept de racisme « systémique ». Eh oui. Ce mot dérangeant qui commence par la lettre «s».
À Tout le monde en parle, d’un côté, le nouveau ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière .De l’autre, Ali Nestor, fondateur de l’organisme Ali Et Les Prince.sse.s de la rue.
À Montréal, dans le quartier ouvrier et multiethnique de Saint-Michel, il y aide depuis longtemps des jeunes en difficulté à retrouver leur estime de soi. Entre autres, par l’enseignement de la boxe.
D’un côté, l’ex-policier chargé par François Legault d’agir concrètement pour rétablir la confiance avec les Premières Nations. Sans toutefois, étrangement, reconnaître le racisme systémique dont elles sont pourtant victimes au Canada sous le joug de la loi fédérale sur les Indiens.
De l’autre, Ali Nestor qui, d’origine haïtienne, sait d’expérience que le racisme systémique, ça existe. Ici, comme ailleurs. Or, si le premier ministre se refuse à le reconnaître, selon lui, c’est surtout pour des raisons électoralistes.
Donc, pour éviter de déplaire aux électeurs pour qui le concept même de racisme systémique est vu comme une insulte au peuple québécois. D’autant plus que les Québécois sont souvent et injustement l’objet des pires injures, entre autres sur la loi 101.
POURQUOI LE RECONNAÎTRE ?
Le ministre l’écoutait malgré tout avec intensité. Comme je l’écrivais la semaine dernière, tout ex-policier soit-il, Ian Lafrenière est un communicateur aguerri, et ce faisant, capable d’écoute. Cet échange le confirmait.
Encore faudra-t-il que le premier ministre chemine éventuellement. Mais pourquoi le faire ? Pourquoi reconnaître l’aspect systémique du racisme ?
Primo, parce qu’il est impossible que le Québec soit la seule province au pays où les Autochtones, comme par magie, n’en vivraient pas. Deuxio, pour rebâtir des ponts, ne doit-on pas s’ouvrir à la parole de ceux et celles dont l’expérience en est réelle ?
En cela, sur le plateau de TLMEP, l’auteure Janette Bertrand, évoquant l’importance des luttes féministes pour l’égalité hommes-femmes, posait une question d’une grande pertinence. « Croyez-vous, comme moi je crois, que si les hommes peuvent changer visà-vis des femmes, les Blancs peuvent changer » face au racisme ?
CHANGER ?
Cette même analogie me frappait déjà. Pendant longtemps, les pouvoirs masculins niaient en effet l’existence d’un sexisme systémique dont les femmes étaient victimes sur tous les plans.
Pendant longtemps, on nous martelait que le sexisme n’était qu’une lubie « anti-hommes » de féministes « gauchistes et enragées ».
Et la réponse d’Ali Nestor à Mme Bertrand ? Très sage. « Oui », lançait-il, ça peut changer, mais pour y arriver, il faut « évoluer », « admettre ce qu’on a fait ».
Et de l’illustrer à son tour : « On est capable d’admettre qu’effectivement, les femmes n’avaient pas les mêmes droits que les hommes. Alors, il faut progresser et admettre que le racisme systémique existe pour l’enrayer ».
Là encore, Ian Lafrenière écoutait très attentivement.
Puis, de laisser tomber une remarque loin d’être anodine : « Présentement, ce terme-là (systémique) ne fait pas l’unanimité. Quand je dis présentement, c’est qu’on mature et on change. On change. »