L’héritage de Trump
Pas facile de se libérer du syndrome du « parti battu ». La volée inattendue que les démocrates ont mangée en 2016 fait toujours mal. Ils aimeraient croire à la victoire annoncée de leur candidat à la présidence, mais continuent de craindre une nouvelle claque. Ils savent, il faut dire, que même gagnants, le « trumpisme », lui, n’aura pas été pour autant vaincu.
J’ai étiré mon séjour à Nashville après le deuxième débat présidentiel. Le Tennessee est rouge vif, républicain convaincu : Donald Trump, en 2016, avait récolté 61 % du vote. Cette année encore, la moyenne des sondages lui donne 14 points d’avance sur Joe Biden.
Nashville, pourtant, est un îlot progressiste dans cet océan conservateur. Le comté de Davidson avait choisi Hillary Clinton à 60 % à la dernière élection. En flânant toutefois sur « Broadway », d’un bar « honky-tonk » à un autre, ce sont les bannières « Trump 2020 » et les t-shirts « Making Tennessee Great Again » que l’on croise. Aucune gêne, c’est « in your face » !
Cet engouement pour un président si controversé ne s’évaporera pas avec sa défaite. En fait, même dans ses pires sondages, Trump reçoit le soutien d’au moins 42 % de la population, c’est-à-dire plus de 60 millions d’électeurs. S’ils persistent à l’appuyer, alors que tout semble perdu, c’est qu’ils y croient... aveuglément.
« LA VILLE QUI BRILLE SUR LA COLLINE »
Ronald Reagan, un autre président polarisant, avait réussi à parler pour une grande majorité de ses compatriotes en décrivant les États-Unis comme « cette ville qui brille sur la colline et dont le phare guide de partout les personnes éprises de liberté ». Cette conception d’une nation exceptionnelle et exemplaire, Trump et de très nombreux Américains l’ont abandonnée.
Cette gloriole s’est diluée dans les mensonges qui ont conduit à l’invasion de l’Irak, dans deux décennies de guerre au Moyen-Orient, dans une sortie de Grande récession qui a laissé impunis investisseurs, banquiers et autres responsables
de cette crise et, maintenant, dans une pandémie « venue de Chine », comme le répète le président.
Donald Trump, depuis, a légitimé un scepticisme à l’égard des scientifiques, une méfiance envers les experts qui prédisent, par exemple, une catastrophe environnementale si les changements climatiques ne sont davantage pris au sérieux et même, une contestation du processus électoral au point d’en ébranler la légitimité.
LÀ POUR RESTER
N’en doutez pas, le parti républicain est le parti de Donald Trump : le « caudillo » battu, ceux qui voudront lui succéder seront à son image… ou pire encore. Le secrétaire d’État, Mike Pompeo, Tom Cotton, le sénateur de l’Arkansas, ou même Donald Junior sont des purs et durs sans les états d’âme du patron.
Un média local décrivait la semaine dernière l’anxiété de l’ancien congressman démocrate Tony Coelho devant un effet particulièrement malsain de Trump : « Il y a beaucoup de jeunes aujourd’hui qui pensent que la haine est acceptable (“Hate is okay”). »
Tout le monde rêve d’un vaccin contre la COVID. Pour sortir le pays de sa torpeur, c’est à se demander s’il ne faudrait pas aussi plancher sur un vaccin contre le « trumpisme ».