Le Journal de Montreal

L’héritage de Trump

- RICHARD LATENDRESS­E

Pas facile de se libérer du syndrome du « parti battu ». La volée inattendue que les démocrates ont mangée en 2016 fait toujours mal. Ils aimeraient croire à la victoire annoncée de leur candidat à la présidence, mais continuent de craindre une nouvelle claque. Ils savent, il faut dire, que même gagnants, le « trumpisme », lui, n’aura pas été pour autant vaincu.

J’ai étiré mon séjour à Nashville après le deuxième débat présidenti­el. Le Tennessee est rouge vif, républicai­n convaincu : Donald Trump, en 2016, avait récolté 61 % du vote. Cette année encore, la moyenne des sondages lui donne 14 points d’avance sur Joe Biden.

Nashville, pourtant, est un îlot progressis­te dans cet océan conservate­ur. Le comté de Davidson avait choisi Hillary Clinton à 60 % à la dernière élection. En flânant toutefois sur « Broadway », d’un bar « honky-tonk » à un autre, ce sont les bannières « Trump 2020 » et les t-shirts « Making Tennessee Great Again » que l’on croise. Aucune gêne, c’est « in your face » !

Cet engouement pour un président si controvers­é ne s’évaporera pas avec sa défaite. En fait, même dans ses pires sondages, Trump reçoit le soutien d’au moins 42 % de la population, c’est-à-dire plus de 60 millions d’électeurs. S’ils persistent à l’appuyer, alors que tout semble perdu, c’est qu’ils y croient... aveuglémen­t.

« LA VILLE QUI BRILLE SUR LA COLLINE »

Ronald Reagan, un autre président polarisant, avait réussi à parler pour une grande majorité de ses compatriot­es en décrivant les États-Unis comme « cette ville qui brille sur la colline et dont le phare guide de partout les personnes éprises de liberté ». Cette conception d’une nation exceptionn­elle et exemplaire, Trump et de très nombreux Américains l’ont abandonnée.

Cette gloriole s’est diluée dans les mensonges qui ont conduit à l’invasion de l’Irak, dans deux décennies de guerre au Moyen-Orient, dans une sortie de Grande récession qui a laissé impunis investisse­urs, banquiers et autres responsabl­es

de cette crise et, maintenant, dans une pandémie « venue de Chine », comme le répète le président.

Donald Trump, depuis, a légitimé un scepticism­e à l’égard des scientifiq­ues, une méfiance envers les experts qui prédisent, par exemple, une catastroph­e environnem­entale si les changement­s climatique­s ne sont davantage pris au sérieux et même, une contestati­on du processus électoral au point d’en ébranler la légitimité.

LÀ POUR RESTER

N’en doutez pas, le parti républicai­n est le parti de Donald Trump : le « caudillo » battu, ceux qui voudront lui succéder seront à son image… ou pire encore. Le secrétaire d’État, Mike Pompeo, Tom Cotton, le sénateur de l’Arkansas, ou même Donald Junior sont des purs et durs sans les états d’âme du patron.

Un média local décrivait la semaine dernière l’anxiété de l’ancien congressma­n démocrate Tony Coelho devant un effet particuliè­rement malsain de Trump : « Il y a beaucoup de jeunes aujourd’hui qui pensent que la haine est acceptable (“Hate is okay”). »

Tout le monde rêve d’un vaccin contre la COVID. Pour sortir le pays de sa torpeur, c’est à se demander s’il ne faudrait pas aussi plancher sur un vaccin contre le « trumpisme ».

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