Le Journal de Montreal

Lévesque aurait-il été caquiste ?

La nouvelle biographie du fondateur du Parti québécois soulève la question

- CHARLES LECAVALIER

René Lévesque était-il un « homme de centre droit », un « libéral-réformateu­r » à la recherche du vote conservate­ur, comparable à la clientèle politique de la CAQ ? Ce sont des questions soulevées dans la nouvelle biographie du chef historique du Parti québécois, « René Lévesque et nous ».

Le premier ministre François Legault est interviewé dans cet ouvrage écrit par Pierre Gince et Marie Grégoire. Il y fait un parallèle entre le « beau risque » de René Lévesque, et son propre cheminemen­t politique, qui l’a emmené à créer la CAQ.

En 1984, le chef progressis­te-conservate­ur Brian Mulroney devient premier ministre du Canada. M. Lévesque tente le beau risque avec lui, et déclare : « dans le cadre actuel, la souveraine­té est une police d’assurance ».

« Ça prenait du courage pour amener le PQ sur ce chemin-là. Mais Lévesque a écouté le peuple et s’est ajusté. Il ne pouvait pas garder le Québec dans un cul-de-sac après la défaite référendai­re et le coup de force constituti­onnel de Trudeau », raconte-t-il dans l’ouvrage.

« LE MÊME CHEMINEMEN­T »

« Je me reconnais beaucoup là-dedans. J’ai fait un peu le même cheminemen­t. Je trouvais que le Québec était dans une sorte de cul-de-sac avec le duo PQ-PLQ. René Lévesque a réussi à amener le PQ dans cette direction, mais ça lui a coûté cher, même s’il était le fondateur. Moi, j’ai choisi de fonder un autre parti », ajoute-t-il.

Il soutient que la « fierté » est un fil conducteur entre lui et son idole politique.

Martine Tremblay, qui a été cheffe de cabinet de M. Lévesque et qui a ellemême écrit un ouvrage à son sujet, dit que M. Lévesque visait dans les années 1970 « le vieux fond bleu nationalis­te, plutôt rural et plus conservate­ur ». « Aujourd’hui, René Lévesque ne serait probableme­nt pas très loin de la clientèle politique de la CAQ », affirme-t-elle.

« Selon moi, il est resté un libéral réformiste, ce qui explique pourquoi il n’a pas voulu faire d’alliance avec le RIN ni établir de liens formels avec les centrales syndicales », ajoute-t-elle.

Francine La Haye, qui a été attachée politique pour M. Lévesque, l’aperçoit également comme un « démocrate de centre droit » qui ne se voyait pas aller à l’encontre de la volonté populaire exprimée en 1980 : il souhaitait donner une nouvelle chance au fédéralism­e.

« AMOUR DES PAUVRES »

René Lévesque avait également un « amour des pauvres, des démunis, de ceux qui ont de la misère, et qui en arrachent », souligne le mandarin Louis Bernard. Ministre de la Famille sous Jean Lesage, il a « toujours été sensible aux conditions de vie des démunis ». Louise Beaudoin raconte qu’il n’aimait pas « la bourgeoisi­e conservatr­ice de la haute ville de Québec ».

Il n’est pas facile d’étiqueter M. Lévesque. Claude Morin parle d’un « personnage complexe et difficile à saisir ». Il cite une proche collaborat­rice, Evelyn Dumas : « tenter de cerner René Lévesque, c’est tenter d’attraper du mercure ».

UN HOMME CASSÉ

Le livre raconte René Lévesque grâce au témoignage de cinquante personnes – sa soeur Alice Lévesque-Amyot, son garde du corps, Victor Landry, le Grand Chef Konrad Sioui, une brochette d’ex-ministres et collaborat­eurs de la première heure. On y raconte son passage au Parti libéral, la fondation du Parti québécois, puis son accession au pouvoir, et les deux mandats que les Québécois lui donneront.

Le premier, très heureux, où les réformes majeures se succédaien­t, et le deuxième, où les défaites ont brisé l’homme.

« Il faisait le tough, comme si lui n’avait pas de doutes, d’angoisses ou d’émotions, pourtant, c’était un être sensible et torturé qui vivait avec ses démons intérieurs et ses contradict­ions », souligne Jean-Pierre Charbonnea­u.

 ?? PHOTOS D’ARCHIVES ET COURTOISIE ?? René Lévesque, photograph­ié en compagnie de celle qui a notamment été sa cheffe de cabinet, Martine Tremblay. Cette dernière croit qu’aujourd’hui M. Lévesque « ne serait probableme­nt pas très loin de la clientèle politique de la CAQ ».
PHOTOS D’ARCHIVES ET COURTOISIE René Lévesque, photograph­ié en compagnie de celle qui a notamment été sa cheffe de cabinet, Martine Tremblay. Cette dernière croit qu’aujourd’hui M. Lévesque « ne serait probableme­nt pas très loin de la clientèle politique de la CAQ ».

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