Une police pour trois villes proposée
Les services de Montréal, Laval et Longueuil pourraient fusionner selon une suggestion majeure du SPVM
Des experts voient d’un bon oeil les recommandations de la police de Montréal, qui suggèrent une vaste refonte des services au Québec, notamment par la fusion des corps policiers de la région métropolitaine et la création d’équipes nationales d’enquêtes mixtes.
« C’est une proposition majeure de la part du Service de police de la Ville de Montréal [SPVM], rien de moins, soutient la professeure à l’UQAM Danielle Pilette.
« C’est la réforme de la fin du travail en silo. On vient proposer des moyens pour centraliser les enquêtes et ainsi rallier l’expertise », ajoute l’experte en gouvernance.
Dans un rapport d’une cinquantaine de pages rendu public hier, le SPVM y va de 19 recommandations touchant de nombreux aspects du travail policier, comme la lutte au profilage racial, les caméras corporelles et l’évolution de la criminalité dans la province.
Le document de réflexion a été produit dans le cadre de la consultation lancée par la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.
Une des propositions les plus audacieuses du SPVM est d’évaluer la possibilité de fusionner les services de police de Montréal, Laval et Longueuil, qui partagent de nombreux « enjeux sociaux ».
« Dans une ère où la demande citoyenne en Amérique et en Europe est de réduire l’effectif policier et le budget de la police, des regroupements de corps policiers doivent être envisagés pour des raisons d’efficacité et d’efficience », peut-on notamment lire dans le rapport.
« Il y a une bonne question de financement. Au lieu de mettre de l’argent aux trois endroits, ça pourrait aller à une seule place. La collaboration pourrait éviter du dédoublement de travail », analyse Mme Pilette.
CYBERCRIMINALITÉ
Le SPVM suggère aussi la création d’équipes nationales d’enquêtes mixtes, entre autres, pour les crimes économiques, la cybercriminalité, l’identité judiciaire et les allégations criminelles envers des policiers.
« Il serait vraiment temps qu’une escouade nationale enquête sur les cybercrimes. Ce sont les nouvelles façons de faire et il faut s’y attaquer de meilleure façon. On est en retard là-dessus », estime Paul Laurier, ex-enquêteur à la Sûreté du Québec, qui approuve cette suggestion.
Le Service de police de l’agglomération de Longueuil abondait en ce sens dans son propre document de réflexion, en prônant « la mise en place d’équipes mixtes lorsque les infractions ne sont pas délimitées sur un seul territoire ».
ENQUÊTES SUR LES HOMICIDES
Les enquêtes sur les homicides devraient être réservées au SPVM et à la Sûreté du Québec (SQ) puisque les autres corps de police de la province en feraient trop et il « devient difficile de maintenir la compétence et l’expertise », propose également la police montréalaise.
« Les délais encourus par ces organisations avant de faire appel au soutien des services de police de niveau 5 et 6 nuisent parfois aux suites des enquêtes et à la possibilité d’élucider le crime », souligne-t-on.
Une telle proposition pourrait « créer des frictions », s’inquiète un ancien policier.
« C’est un peu délicat. Je verrais mal une ville comme Québec ne pas enquêter sur ses meurtres », fait valoir Michel Carlos, ex-chef de l’Escouade des crimes économiques à la SQ.
« Dans cette réforme proposée par la police de Montréal, les gagnants qui prendraient plus de responsabilités sont clairement le SPVM et la SQ », estime Danielle Pilette.
PAS DE RÉACTIONS
Le SPVM n’a pas répondu à la demande d’entrevue du Journal afin d’expliquer ses recommandations.
La police et la Ville de Laval, tout comme Longueuil et le SPAL n’ont pu réagir à l’idée de fusion des administrations policières.
Le cabinet de la ministre Guilbault a indiqué ne pas vouloir commenter avant la fin des travaux du comité chargé de moderniser la Loi sur la police.