LE MONDE RETIENT SON SOUFFLE
Nos chroniqueurs se prononcent : QUI VA GAGNER ?
« Je ne suis pas sûr de tout comprendre ce qu’il y a dedans » - Pierre Fitzgibbon, sur le rapport de la commissaire Ariane Mignolet, en entrevue à QUB vendredi
Ainsi, François Legault croit que son aventureux ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon « a eu sa leçon », en étant l’objet d’une réprimande de la commissaire à l’éthique. Rien n’apparaît moins sûr…
D’abord un rappel des faits présentés dans le rapport de la commissaire.
Le ministre soutient qu’il devait, après son élection, se départir de ses actions dans l’entreprise Move protéine. Lors d’une rencontre en marge d’un match de hockey, l’affaire est conclue verbalement avec son grand ami Luc Laperrière. Or, il appert que son pote n’a pas les moyens, et c’est le ministre qui lui prête les 150 000 $ nécessaires à l’achat de ses actions encombrantes. L’ami ne demande même pas à voir le bilan ni les états financiers avant d’acheter les actions puisqu’il le fait « par amitié, pour rendre service ».
Le lien entre les deux hommes est tel que M. Laperrière juge « peu probable qu’il ait à effectuer le paiement prochainement ».
Ce même bon copain lobbyiste a joui d’un accès privilégié au ministre, obtenant des rencontres seul à seul avec lui pour mousser trois projets.
Il lui envoyait même des messages à son adresse personnelle pour lui demander ce qu’il pensait d’une proposition de courriel qu’il lui enverrait par la suite à son adresse professionnelle.
MANQUEMENT
La commissaire à l’éthique conclut que le ministre a commis un manquement en se plaçant dans une situation où son intérêt personnel pouvait influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de sa charge.
Me Ariane Mignolet rappelle qu’un lobbyiste ne devrait jamais avoir un accès direct à un ministre en raison de sa grande amitié avec lui.
François Legault a affirmé qu’il était « en colère » lorsqu’il a pris connaissance du rapport, en raison du manque de prudence de son ami ministre, qui a toutefois agi, selon lui, de bonne foi.
Le premier ministre caquiste a adopté la bonne posture, la seule acceptable dans les circonstances, en affirmant qu’il recommanderait à son caucus de voter en faveur de l’avis de réprimande à l’endroit de Fitzgibbon.
Pour mémoire, Philippe Couillard et les libéraux avaient rejeté une recommandation de sanction de la commissaire contre un des leurs, Pierre Paradis, tout juste avant l’élection de 2018.
Il y aura donc un moment humiliant pour le ministre lorsque ce vote se tiendra au Salon bleu.
Selon M. Legault, la pire réprimande pour son lieutenant économique, c’est de se retrouver ainsi avec le bonnet d’âne sur la place publique.
Le chef n’avait pas vraiment le choix d’être conséquent, lui qui avait clamé lors d’un congrès à Lévis en mai 2018 que « les petits amis, c’est terminé » avec l’élection d’un gouvernement caquiste.
REPENTANT ?
Mais dans le cas de celui qu’on appelle par son diminutif Fitz, on se demande s’il en retient vraiment une leçon. La commissaire souligne dans son rapport qu’il maintient n’avoir commis « aucun manquement au Code d’éthique » et elle ne dénote « aucune volonté réelle de s’amender ».
Elle signale que le ministre ne donne aucun exemple de mesures mises en place pour prévenir les conflits d’intérêts. Il dit rencontrer « tous les gens qu’il juge appropriés ».
En point de presse pour commenter ce rapport, il a affirmé qu’il devait « accepter son point de vue », mais il a répété « je n’ai pas manqué de jugement ».
Lorsqu’on questionne des élus caquistes sur leur collègue Fitzgibbon, les yeux s’illuminent. Ils ont en haute estime ses grandes connaissances du Québec inc. Dans un gouvernement composé de gens d’affaires, Fitz impressionne. C’est un peu le roi de la montagne. S’il atteint son plein potentiel de ministre-développeur pour la relance du Québec, ce sera une bonne nouvelle. Mais il a l’air de percevoir les remontrances d’apparences de conflit d’intérêts à son endroit comme un filament de céleri coincé entre ses dents. Fatigant, mais négligeable…