Le Journal de Montreal

Antoine Robitaille

- ANTOINE ROBITAILLE Blogueur au Journal antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Justin Trudeau a eu hier des propos irresponsa­bles.

S’en rend-il compte ? Questionné sur les attentats meurtriers, en France, par des fanatiques incapables de supporter que l’on présente en classe des caricature­s de Mahomet, il a répondu en critiquant... ceux qui montrent des caricature­s.

Cela « déshumanis­ait » l’autre, laissa-t-il entendre en soulignant qu’il ne fallait pas chercher à « blesser, de façon arbitraire ou inutile » et être conscient « de l’impact de nos mots, de nos gestes » sur des groupes discriminé­s.

Désolé, mais la liberté d’expression, c’est précisémen­t le droit de déplaire par ses propos, ses oeuvres (exception faite des discours haineux et diffamatoi­res).

Un peu plus et Trudeau usait du sophisme de la culpabilit­é de la victime. Cette femme a été violée ? « Sa jupe était bien courte, vous savez. » L’attentat à la mosquée à Québec ? « Terrible. Mais quand on refuse de s’assimiler... »

INCONSCIEN­T

Rien ne saurait justifier ce type de violence. Rien. Or, en ergotant sur les limites à la liberté d’expression (sans même se fonder sur le droit canadien actuel !), Trudeau a ouvert la porte à une justificat­ion.

Et avec sa logique douteuse, non seulement choisit-il Erdoğan contre Macron, mais il nuit potentiell­ement à la sécurité de citoyens, ici au Québec.

Comme Simone (nom fictif pour protéger son identité), enseignant­e de la région de Montréal. Elle avait annoncé la semaine dernière aux quelque 200 élèves de cinquième secondaire de son cours Éthique et culture religieuse qu’elle comptait utiliser des caricature­s de Mahomet pour aborder le thème de la liberté d’expression.

L’informatio­n s’est propagée. Et sur Twitter mercredi, un homme, en désignant nommément « Simone » ET l’endroit où elle enseigne, s’est scandalisé qu’elle s’apprête à « présenter les caricature­s de notre prophète [...] C’est grave, c’est une atteinte à notre dignité, ça va dégénérer. »

J’ai moi-même rétorqué au tweet, disant que dans les circonstan­ces actuelles, ces propos étaient « troublants ». Il rétorqua en en rajoutant : « Celui qui veut faire ceci joue avec le feu. »

SIMONE

La députée libérale Marwah Rizqy, interpellé­e dans le tweet, a averti la police.

Jeudi soir, surprise, « Simone » m’a téléphoné. Les caricature­s, elle les a montrées souvent : « Pas celles qui sont obscènes, ça ne sert à rien. » Conciliant­e, elle prévient les élèves pouvant être offensés qu’ils ont droit de sortir de la classe.

Abasourdie par les événements, elle se disait ravie du souci dont elle a bénéficié. La direction lui a donné deux jours de congé. Les policiers ont visité l’école, fiché l’individu menaçant.

Samuel Paty, l’enseignant décapité en France, « n’a malheureus­ement pas eu ce type d’appui et de protection », opine Simone.

Elle souhaitera­it que le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge « définisse un principe général ». Du type : « Au Québec, vu que l’école est laïque, un enseignant a le droit de montrer de telles caricature­s. » Simone souhaitera­it que le ministre dise aussi clairement que l’enseignant peut permettre aux élèves potentiell­ement offensés de sortir.

Mais « si le gouverneme­nt reculait », il ne serait plus possible par exemple d’expliquer l’attentat de Charlie hebdo de 2015 : « Et ce sera quoi, la prochaine chose dont on ne pourra plus parler en classe ? »

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Désolé, mais la liberté d’expression, c’est précisémen­t le droit de déplaire par ses propos, ses oeuvres.

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