Passé au moulin à viande
L’ex-numéro 2 des Hells Angels au Québec se serait fait « passer dans le moulin à viande » d’un abattoir à la suite d’un pacte secret par lequel les motards et la mafia ont fait du « ménage » dans leurs rangs au début des années 2000.
La disparition mystérieuse du Hells Louis « Melou » Roy, dont on a perdu toute trace le 23 juin 2000, s’expliquerait ainsi, d’après les confidences que le défunt chef mafieux Andrew Scoppa a faites dans le livre La Source.
Roy, un motard originaire de Jonquière qui s’est hissé parmi les plus riches narcotrafiquants de la province, aurait été sacrifié parce qu’il refusait d’adhérer à la nouvelle alliance que les Hells et le clan Rizzuto venaient de conclure pour contrôler les prix et la distribution dans le marché de la cocaïne.
« Melou a été vu entrer dans un abattoir [pour un faux meeting] et il n’en est jamais sorti. Ils ont dû le passer dans un moulin à viande.
[...] Il ne s’est pas méfié parce que d’autres motards qu’il connaissait bien étaient là aussi. Il avait du succès, trop au goût de certains qui convoitaient ce qu’il avait », a dit Scoppa aux auteurs du livre, Félix Séguin et Eric Thibault.
La police n’a jamais été en mesure d’élucider ce meurtre, mais elle détient des renseignements qui corroborent la version du chef mafieux, indiquent les journalistes dans leur ouvrage.
MICHEL AUGER
Selon Scoppa, l’assassinat de Roy s’inscrivait dans plusieurs purges internes que les Hells et la mafia auraient convenu de s’échanger à l’époque.
En contrepartie, les Hells auraient exigé que la mafia élimine l’ex-proprio de bar de danseuses, Paolo Gervasi, et son fils, Salvatore, parce que ces deux prospères tenanciers faisaient affaire avec les Rock Machine, en pleine guerre des motards.
« Les Italiens et les Hells se sont entendus pour éliminer certains éléments indésirables dans leurs camps respectifs. [...] Tout le monde a fait le ménage dans sa cour », a affirmé Scoppa.
D’ailleurs, le crime organisé craignait possiblement que le journaliste Michel Auger finisse par révéler l’existence de ce pacte secret lorsqu’il a été victime d’une tentative de meurtre dans le stationnement du Journal de Montréal ,le 13 septembre 2000.
Dans son article publié la veille, Auger énumérait les noms de plusieurs « gros poissons » visés dans « une série de meurtres, d’attentats ratés et des disparitions » – dont Louis Roy, deux de ses collaborateurs disparus comme lui, ainsi que les Gervasi –, en soulevant l’hypothèse que « la pagaille est prise en haut lieu criminel ».