Le Canada tout entier retient son souffle
L’élection du prochain président américain aura des répercussions importantes sur notre économie
OTTAWA | À trois jours du scrutin américain, tout peut arriver. Balayage démocrate comme le prévoient les sondages, victoire surprise de Donald Trump à l’image de 2016, ou même pas de résultats du tout. Au Canada, le gouvernement se prépare à tous les scénarios possibles avec inquiétude.
« Nous observons tous très attentivement les élections américaines en raison de leur impact potentiel sur l’économie canadienne et sur les Canadiens », a déclaré le premier ministre, Justin Trudeau, lors d’une récente conférence de presse.
« Les États-Unis sont notre plus important partenaire économique. On partage avec eux des chaînes d’approvisionnement commerciales fortement intégrées et la relation diplomatique la plus intime au monde », indique John Parisella, ancien délégué général du Québec à New York.
Les échanges de part et d’autre de la frontière, de près de 8900 km, totalisent 2,4 milliards $ par jour.
GUERRE COMMERCIALE
Or, en plus d’insulter personnellement Justin Trudeau, l’imprévisible Donald Trump nous a déclaré la guerre commerciale en imposant des tarifs douaniers à nos exportations et en renégociant l’Accord de libreéchange nord-américain.
Si ce régime devait se poursuivre quatre années de plus, tout pourrait arriver, prévient Roland Paris, ex-conseiller en matière d’affaires étrangères au bureau du premier ministre entre 2015 et 2016.
« S’il [Trump] est réélu, ça voudra dire qu’il a survécu à une procédure de destitution, à la pandémie – personnellement et politiquement –, et il n’aura pas à penser à sa réélection », estime-t-il.
Pour M. Paris, « il est bien possible que Trump impose d’autres tarifs ou essaie de faire mal à notre économie d’une façon ou d’une autre ». Pire, « on a vu qu’il a essayé de bloquer la vente de masques N95 au Canada durant la pandémie », rappelle-t-il.
Si une victoire de Joe Biden, plus conciliant et diplomate, marquait un retour à la normale politique, elle ne garantirait toutefois pas une embellie pour le Canada, prévient M. Parisella.
L’analyste rappelle que les démocrates sont traditionnellement protectionnistes, surtout en temps de crise économique.
RISQUES DE PERTURBATIONS
Il n’y a pas que l’avenir de nos relations commerciales qui inquiète Ottawa.
« Nous regardons tous la polarisation aux États-Unis avec une certaine inquiétude », a dit Justin Trudeau, indiquant qu’il pourrait y avoir « certaines perturbations » en cas de résultats serrés.
Alors que partisans démocrates et républicains sont à couteaux tirés, le président sortant a refusé de s’engager à se retirer pacifiquement s’il perd, affirmant qu’il pourrait être victime de fraudes.
Il en a contre le vote par correspondance, élargi en raison de la COVID-19. Le décompte des bulletins postaux pourrait prendre des jours, voire des semaines, et mener à des contestations judiciaires.
Auquel cas, la Cour suprême pourrait devoir trancher. Or, celle-ci est dominée par six juges conservateurs sur neuf. Et Trump en a lui-même nommé trois, dont Amy Coney Barrett, en poste depuis le 27 octobre.