Les médias américains sont-ils trop tendres avec Joe Biden ?
AFP | Questions polies, tendance à la retenue, critiques rares d’une campagne aux accès restreints : Joe Biden est moins chahuté par les journalistes que Donald Trump, reconnaissent plusieurs spécialistes des médias, certains justifiant ce décalage par les méthodes qu’ils estiment dangereuses du président républicain.
L’affaire Hunter Biden, qui évoque un lien supposé entre l’ex-vice-président et une société ukrainienne soupçonnée de corruption, a occupé une partie significative de l’espace médiatique. Mais Joe Biden n’a été interrogé sur le sujet pour la première fois que deux jours et demi plus tard, et il a immédiatement balayé la question.
Le lendemain, le candidat démocrate n’a pas parlé aux médias qui le suivent au quotidien. Depuis des mois, les accès à la campagne du candidat démocrate sont très limités : seule une vingtaine de médias nationaux ou internationaux peut suivre de près sa campagne, officiellement pour cause de pandémie.
QUESTIONS « MOINS PERCUTANTES »
« Il serait logique que les journalistes qui couvrent la campagne soient frustrés par le fait qu’on ne leur donne pas beaucoup d’informations [...] et qu’il n’y a pas de véritable accès quotidien au candidat », remarque Richard Benedetto, ancien correspondant à la Maison-Blanche pour le quotidien USA Today.
Pour autant, les protestations sont restées isolées. « Si je suis candidat et que je m’aperçois que je peux m’en tirer sans m’engager sur trop de sujets ou répondre à trop de questions [...] pourquoi ne pas continuer? », interroge Richard Benedetto, aujourd’hui professeur à l’American University.
À la mi-septembre, le site Politico avait jugé qu’une émission d’ABC, avec Donald Trump comme invité, avait tourné à l’« interrogatoire hostile », alors que Joe Biden avait droit, dans un format théoriquement identique sur CNN, à « ce qui ressemblait à des retrouvailles entre vieux amis ».
« Pour moi, la question n’est pas tant la mansuétude des médias envers Biden que leur agressivité dans leur couverture du président Trump », analyse Grant Reeher, professeur de sciences politiques à l’Université de Syracuse.
La plupart des grands quotidiens américains, qui traditionnellement soutiennent l’un ou l’autre candidat, appuient Joe Biden. Le directeur de la rédaction du New York Times, Dean Baquet, reconnaît lui aussi couvrir « très agressivement » Donald Trump, même s’il dit viser néanmoins une certaine forme d’« objectivité ».
PAS UNE CAMPAGNE « NORMALE »
Certains experts justifient une couverture plus mesurée du candidat démocrate.
« En temps normal, on pourrait mettre plus de pression sur un candidat, si [son adversaire] se comportait normalement », mais dans le cas présent, ça « ne paraît pas opportun », estime Gabriel Kahn, professeur de journalisme à l’Université de Californie du Sud (USC Annenberg).
« Quand vous avez un candidat qui qualifie la presse libre d’ennemi, refuse de répondre à des questions directes et essaime les mensonges, comparer sa couverture médiatique à celle de son rival est hors sujet », dit-il.