Il faudra s’habituer aux fake news
Donald Trump a fait passer cette expression dans le langage populaire, aux États-Unis comme ailleurs
S’il n’a pas inventé l’expression fake news, Donald Trump a certainement aidé à populariser ces deux mots lourds de sens qu’il n’hésite pas à lancer dans plusieurs de ses déclarations. Un phénomène qui n’est pas près de disparaître, estiment des experts.
Le 11 janvier 2017, lors d’une conférence de presse à New York, le milliardaire républicain rabroue un journaliste de CNN et refuse de répondre à sa question.
« Fake news », accuse le président américain, reconnu pour ne pas aimer la chaîne d’information et ses journalistes.
Depuis, le président américain lance cette expression comme un mantra pour s’en prendre aux médias et aux personnes qui le critiquent, même si la nouvelle est vraie. Cette manière d’agir risque bien de perdurer, même sans Trump.
« J’ai bien l’impression que le retour en arrière va être difficile », lance la professeure Karine Prémont, de l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke et directrice adjointe de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, à l’UQAM.
Les réseaux sociaux et la vitesse à laquelle l’information se diffuse ont grandement contribué à l’essor des fausses nouvelles. Et quand on y ajoute une crise mondiale où les gens vivent beaucoup d’incertitude, tous les ingrédients sont réunis pour créer un cocktail explosif.
« En période de crise, ce genre de réaction prolifère. C’est-à-dire de croire ce qu’on veut croire parce que ça nous conforte dans nos opinions ou ça donne un peu de sens à ce qui se passe dans un monde un peu plus difficile à comprendre chaque jour », explique-t-elle.
« Étant donné les moyens technologiques qu’on a, étant donné la polarisation des gens, ça va devenir difficile de revenir en arrière et de trouver un terrain d’entente », ajoute Mme Prémont
« PLEIN DE COMPLOTS »
Le même constat est fait par Kyle Matthews, professeur à l’Université Concordia et directeur général de l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne.
« Les grandes compagnies comme Facebook et Twitter, ils sont en train de prendre tout l’argent. C’est là où les gens vont pour prendre leurs nouvelles. [Les citoyens] vont moins regarder les médias traditionnels et voient plutôt ce que leurs amis vont partager. Il y a plein de complots. N’importe qui peut mettre n’importe quoi en ligne », affirme l’expert.
AU CANADA AUSSI
Le Canada n’est évidemment pas en reste. Il cite en exemple la montée en popularité du mouvement QAnon au nord de la frontière.
« Il faut faire attention, car ç’a un impact chez nous », mentione M. Matthews.
« C’est sûr, quand on voit un type comme Trump qui a du succès avec ce qu’il dit et la façon dont il le dit, il y en a qui vont essayer de l’imiter, c’est bien clair », soutient Mme Prémont, précisant que ce n’est pas d’hier que des populistes s’illustrent en politique.
« Des populistes, il y en a toujours eu, ce n’est pas un phénomène nouveau. Mais ce sont les moyens technologiques à la disposition de ces gens-là qui font la différence aujourd’hui et qui leur permet de parler, de rencontrer des centaines, des milliers voire des millions de personnes d’un coup, plutôt qu’un à la fois dans les sous-sols obscurs d’églises. »