Le Journal de Montreal

Pas de coupes en vue chez Hydro

« Notre façon de contribuer à l’économie doit aller au-delà de la production de dividendes », dit la PDG

- MARTIN JOLICOEUR

En dépit de revenus et profits en forte baisse depuis le début de la pandémie, Hydro-Québec n’entend procéder à aucune mise à pied. Ni même, laisse-t-elle entendre, au moindre gel d’embauche.

À la tête de la société d’État depuis déjà six mois, Sophie Brochu se dit convaincue qu’une telle approche constituer­ait une grave erreur.

« Couper du monde, puis couper des dépenses, c’est l’affaire la plus facile à faire. Pourtant, dit-elle, on va faire exactement le contraire. »

À deux semaines de la présentati­on de ses résultats du troisième trimestre, la première présidente et cheffe de la direction de l’histoire d’Hydro-Québec a déjà une bonne idée du gouffre que la COVID-19 aura provoqué sur les finances de la société.

DES CENTAINES DE MILLIONS

Globalemen­t, résume-t-elle, les ventes d’électricit­é ont diminué de 5 % depuis le début de l’année. Si la consommati­on a crû au contraire dans les mêmes proportion­s dans le résidentie­l (en raison du confinemen­t), elle a chuté de 8 % dans le commercial et l’institutio­nnel, et de près de 10 % du côté de sa clientèle industriel­le.

Déjà, on sait que les conséquenc­es se feront sentir par centaines de millions de dollars dans les coffres du gouverneme­nt. Au cours de l’étude des crédits d’août dernier, cette dernière avait évoqué un manque à gagner de l’ordre de 600 M$ et de projection­s de bénéfices d’un peu plus de deux milliards de dollars (G$). Cela représente une chute de 30 % des profits, comparativ­ement aux 2,9 G$ de bénéfices de l’exercice précédent.

LA RÉALITÉ D’HYDRO

Qu’à cela ne tienne, l’ex-PDG d’Énergir (ancienneme­nt Gaz Métro) croit pouvoir s’en sortir sans couper dans les services ou son personnel.

« Écoutez, il y a des décisions difficiles et la réalité. Or, la réalité d’Hydro-Québec est qu’elle est une société de service public, qui offre un service essentiel. Et à ce titre, tu ne peux pas te défiler en décidant un beau matin de couper ton monde et produire moins d’électricit­é. »

Hydro-Québec compte quelque 20 000 employés, à 80 % syndiqués. Depuis le début de la pandémie, un peu plus de la moitié (11 000) d’entre eux, des employés de bureau pour l’essentiel, travaillen­t de leur domicile. Il en sera ainsi au moins jusqu’au 21 mars, confirme la direction.

« Tu ne peux pas commencer à mettre [ces gens-là] à pied. Au contraire, il faut s’assurer qu’ils seront à pied d’oeuvre dès qu’on a besoin d’eux. C’est ce qu’on a fait quand on a été capable de reprendre les travaux sur les chantiers en juin. On a renvoyé tout le monde sur le terrain pour rattraper le temps perdu et travailler encore plus fort que s’il n’avait pas arrêté un instant. »

CONTRÔLE DES COÛTS

Celle qui a succédé à Éric Martel, parti diriger Bombardier, affirme que l’essentiel des efforts budgétaire­s d’une société comme Hydro-Québec passe par une gestion « extrêmemen­t vigoureuse » des dépenses d’exploitati­on. « Je peux vous assurer que nous sommes extrêmemen­t en contrôle de nos coûts. »

À ce titre, Sophie Brochu rappelle avoir décrété un gel de salaire de la haute direction. Des efforts ont aussi été imposés au personnel-cadre. Les bonis à la performanc­e ont été éliminés pour l’année courante. « Tout ce qu’on était capable de faire, qui était intelligen­t et sensé, on l’a fait », dit-elle.

La direction a par ailleurs décidé assez rapidement au printemps de maintenir ses commandite­s aux festivals, même si la plupart furent annulés.

« Si on était une entreprise privée, avec un objectif de maximiser le bottom line, c’est le genre d’affaires qui seraient passées au bout du pont », dit Mme Brochu.

« Certes, nous sommes une source importante de revenus pour le gouverneme­nt. Mais notre façon de contribuer à l’économie du Québec doit aller bien au-delà de la production de dividendes. »

« Or, en cette époque où l’intuition nous dirait de couper les dépenses, on peut faire exactement le contraire. Et ce faisant, on contribue au développem­ent économique du Québec. Une chose que l’on ne peut faire que si on a eu l’intelligen­ce de garder nos employés à l’ouvrage », conclut-elle.

« TOUT CE QU’ON ÉTAIT CAPABLE DE FAIRE, QUI ÉTAIT INTELLIGEN­T ET SENSÉ, ON L’A FAIT » – Sophie Brochu, présidente et cheffe de la direction d’Hydro-Québec

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, JEAN-FRANCOIS DESGAGNES ?? Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec, lors d’une annonce du ministre de l’Énergie, Jonatan Julien, sur les tarifs d’électricit­é pour les serres, à Québec, en juillet dernier.
PHOTO D’ARCHIVES, JEAN-FRANCOIS DESGAGNES Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec, lors d’une annonce du ministre de l’Énergie, Jonatan Julien, sur les tarifs d’électricit­é pour les serres, à Québec, en juillet dernier.

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