Le Journal de Montreal

Tous sur le même pied

Le fédéral veut imposer de nouvelles règles aux diffuseurs de contenu en ligne

- GUILLAUME ST-PIERRE

OTTAWA | Petite révolution dans le monde des télécommun­ications : le gouverneme­nt fédéral s’apprête à obliger les diffuseurs en ligne comme Netflix à contribuer financière­ment à la création de contenu canadien et à favoriser sa mise en valeur sur leurs plateforme­s.

Cette nouvelle obligation « se traduirait par une augmentati­on du soutien à la musique et aux histoires canadienne­s qui pourrait atteindre 830 M$ d’ici 2023 », peuton lire dans un résumé de la position du fédéral présentée par des fonctionna­ires, hier matin.

À l’heure actuelle, les télédiffus­eurs traditionn­els, dont les revenus sont en baisse constante, ont l’obligation d’investir dans le contenu local. Une obligation qui échappe aux géants étrangers.

Toutefois, le projet de loi parrainé par le ministre de Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, est beaucoup moins ambitieux qu’un important rapport d’un groupe d’experts déposé en janvier dernier, et duquel il prétend s’être inspiré.

Ce document, le Rapport Yale, suggérait que le mandat de Radio-Canada soit modifié et que le diffuseur public élimine la publicité de toutes ses plateforme­s.

Or, la pièce législativ­e du gouverneme­nt Trudeau n’en fait pas mention.

Rien, non plus, sur l’obligation pour les géants du web comme Google ou Facebook de verser des redevances aux entreprise­s médiatique­s pour le contenu médiatique qu’elles partagent.

JOURNÉE HISTORIQUE

Les organismes culturels consultés par Le Journal, hier, ont tous applaudi la nouvelle.

À l’ADISQ, on parlait même d’une journée historique. « On attend des changement­s importants depuis 1999 quand le CRTC avait décidé que tout ce qui allait se passer sur internet serait exempté de toute réglementa­tion », signale la directrice générale, Solange Drouin.

La nouvelle a aussi été bien accueillie par l’Associatio­n québécoise de la production médiatique (AQPM).

« Ça ouvre de belles perspectiv­es, mais il reste à voir ce que ça va nous apporter concrèteme­nt. On espère que ça va se traduire par de l’argent neuf pour les production­s canadienne­s francophon­es. Parce qu’on le sait, les émissions et les films de langue française sont sous-financés », a réagi la présidente et directrice générale, Hélène Messier.

ÇA SUFFIT, L’INÉGALITÉ

Le projet de loi du ministre Guilbault reçoit également un accueil favorable des télédiffus­eurs.

Radio-Canada se réjouit de constater qu’on prend des mesures pour uniformise­r les règles du jeu entre les diffuseurs canadiens et étrangers sur internet. Selon le porte-parole institutio­nnel de CBC/Radio-Canada, Leon Mar, ces entreprise­s devraient contribuer financière­ment à créer du contenu canadien, « comme le font déjà les entreprise­s de radiodiffu­sion traditionn­elles ».

« Cette inégalité ne peut continuer. Cela a pour effet de miner la création de contenu canadien de qualité », soutient Leon Mar.

TVA et Bell Média n’ont pas offert de réactions au Journal. Ils continuent d’étudier le texte du projet de loi.

Chez Corus, propriétai­re de Séries+ et Historia, on applaudit le geste du gouverneme­nt fédéral, qu’on qualifie de « premier pas».

Dans un message transmis au Journal, on indique qu’« au cours des dernières années, Corus a exhorté le gouverneme­nt à faire davantage que simplement appliquer un ensemble de règles désuètes et prescripti­ves » aux acteurs numériques. « Nous avons besoin d’un fardeau réglementa­ire plus léger, qui nous permette d’être compétitif­s dans un environnem­ent mondial », déclare Corus, qui convient que « d’autres réformes seront nécessaire­s ».

- Avec la collaborat­ion de Marc-André Lemieux, Maxime Demers et Cédric Bélanger

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Steven Guilbeault

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