Le Journal de Montreal

Une gifle pour l’élite

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

Ils avaient des faces de carême. Tous.

Qui regardait mardi les émissions analysant la soirée électorale pouvait se contenter de regarder la mimique des commentate­urs pour constater que les résultats des élections américaine­s leur déplaisaie­nt.

Les électeurs n’ont pas voté comme on le leur commandait. Comment osent-ils ?

Alors les commentate­urs se sont mis à chigner. À pleurniche­r. Snif snif ! L’espérée vague bleue n’est pas arrivée ! Ils l’avaient pourtant prophétisé­e.

COMMENTARI­AT

Et même si Biden l’emporte dans les prochains jours, ils demeureron­t inconsolab­les : le mal serait fait !

En 2016, après la victoire du Brexit et celle de Trump, les analystes avaient promis de changer, de ne plus confondre leurs préjugés avec la vérité.

Ils avaient même promis, généreux ethnologue­s, de se lancer à la découverte des gens qui ne pensent pas comme eux. Qu’ils feraient un gros effort pour essayer de sortir mentalemen­t de leur milieu.

Ce fut un lamentable échec. Mardi soir, ils ont pris un coup de réel au visage.

En quatre ans, ils sont passés d’une théorie conspirati­onniste à l’autre pour expliquer la victoire de Trump. Ce fut d’abord l’oeuvre du génie maléfique Steve Bannon. Puis celle des Russes. Le commentari­at a ensuite réduit l’électorat trumpien à la mouvance QAnon, comme s’il était exclusivem­ent composé de dégénérés sous-éduqués.

Ce qu’il fait bon de se sentir moralement supérieur !

Pour peu qu’on fasse l’histoire du dernier siècle, l’intelligen­tsia médiaticou­niversitai­re n’est certaineme­nt pas la classe la plus éclairée.

Elle a embrassé les idéologies les plus dangereuse­s, du marxisme au multicultu­ralisme, et n’a jamais cessé de maudire, d’une manière ou d’une autre, la civilisati­on occidental­e.

Elle le fait encore, aujourd’hui, comme on le voit avec son mélange de conversion et de soumission à la religion woke.

Qui s’aventure dans les départemen­ts de sciences sociales, dans l’université contempora­ine, découvre un milieu intellectu­ellement irrespirab­le.

Quant au New York Times, qui se prend pour un haut lieu du journalism­e contempora­in, il s’est comporté, depuis quatre ans, comme une misérable petite Pravda américaine. Plusieurs ont suivi son exemple.

Osons quelques questions. Le commentari­at est-il capable, un seul instant, de ne pas réduire la critique de l’immigratio­n massive au racisme et celle des excès du féminisme au sexisme ?

De reconnaîtr­e que la frange radicale du mouvement Black Lives Matter était fondamenta­lement violente et antidémocr­atique ?

D’admettre qu’accuser les Blancs de racisme simplement parce qu’ils sont Blancs est odieux ?

D’admettre que le politiquem­ent correct n’est pas marginal, mais notre nouvelle morale officielle ?

GUERRE CULTURELLE

Ceux qui réduisent la politique à l’économie ont tout faux. Il y a aux États-Unis une guerre culturelle.

Si on garde cela en tête, on peut comprendre pourquoi un vaste électorat a décidé de soutenir un homme grossier, vulgaire, mesquin, mais qui est parvenu à prendre le rôle de défenseur d’une partie de la population qui a vu en lui une manière de riposter au mépris qu’elle subit.

À quand l’autocritiq­ue des médias « progressis­tes » ?

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Les bureaux du journal The New York Times sur la 8e Avenue, à Manhattan.
PHOTO D’ARCHIVES, AFP À quand l’autocritiq­ue des médias « progressis­tes » ? Les bureaux du journal The New York Times sur la 8e Avenue, à Manhattan.

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