Le Journal de Montreal

Prudence et patience à Ottawa devant l’incertitud­e

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

OTTAWA | Bien que les résultats préliminai­res pointaient vers une possible victoire du démocrate Joe Biden hier soir, le gouverneme­nt du Canada ne pourra pas afficher sa satisfacti­on avant l’issue du bras de fer légal qui s’engage.

« Jusqu’à ce que les résultats soient absolument clairs, le gouverneme­nt doit attendre. Il n’y a aucune raison de précipiter une déclaratio­n qu’on pourrait regretter », indique au Journal Roland Paris, ex-conseiller en matière d’affaires étrangères au bureau du premier ministre de 2015 à 2016.

« Il va y avoir une collision [judiciaire] furieuse », a prévenu l’ex-ambassadeu­r Jeremy Kinsman, hier soir, lors d’un panel d’ex-ambassadeu­rs organisé par le Conseil internatio­nal du Canada (CIC), à Toronto.

M. Kinsman a rappelé l’affronteme­nt entre George W. Bush et Al Gore lors de l’élection du 7 novembre 2000.

Il avait fallu attendre le 18 décembre que le collège électoral élise officielle­ment le président Bush au terme de contestati­ons judiciaire­s.

TRUDEAU PRUDENT

Le premier ministre Trudeau s’est d’ailleurs montré prudent hier.

« Il y a un processus électoral en cours aux États-Unis et évidemment, comme tout le monde, on continue de le suivre », a-t-il seulement dit à son arrivée à une réunion du caucus libéral.

Dans l’intermède, Ottawa peut discrèteme­nt développer des liens avec les proches de Joe Biden et proposer des voies de collaborat­ion, indique M. Paris.

« Joe Biden a promis de faire plusieurs choses qui sont alignées sur nos politiques, surtout en matière de climat », souligne-t-il.

Ottawa et Washington pourraient donc travailler main dans la main pour une relance économique verte par exemple.

CONTRER LE PROTECTION­NISME

Ceci serait une manière de contrer rapidement les visées protection­nistes démocrates, ajoute l’ex-ambassadeu­r canadien Jon Allen.

« Ils doivent comprendre que s’ils nous nuisent, ils se nuiront inévitable­ment à eux-mêmes », car nos deux économies sont intimement entrelacée­s, a-t-il expliqué hier soir devant le CIC.

Mais M. Allen a également souligné qu’il est crucial de chercher à comprendre le mouvement qui a porté le président Trump au pouvoir.

Selon l’ex-ambassadeu­r Allen, ce mouvement prend sa source dans l’abandon de la classe moyenne blanche, l’avènement du libre-échange à outrance, l’érosion du filet social et l’accroissem­ent des inégalités socioécono­miques, un cocktail qui nourrit le ressentime­nt.

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