Le Journal de Montreal

Un programme fédéral généreux, mais ignoré des contribuab­les

- Daniel Germain daniel.germain @quebecorme­dia.com

Imaginez que le gouverneme­nt fédéral vous verse 1000 $ par année dans un compte, sans rien demander en retour.

En plus, pour chaque dollar que vous y déposez, entre 1 $ et 500 $, il en verse trois autres, pour un gain potentiel de 1500 $ par année.

Ce n’est pas tout ! Rajoutez encore 1000 $, et il double la mise, pour une récolte supplément­aire, sans trop de peine, de 2000 $.

Au total, un dépôt de 1500 $ peut vous assurer 4500 $. Par an !

Ce n’est pas une nouvelle patente à Justin Trudeau, mais le Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI).

Le problème ? Il est inutilemen­t compliqué ! Résultat : une fraction seulement des personnes visées par le programme en profitent.

CALQUÉ SUR LE REEE

Comme l’indique le nom du régime, il n’est pas accessible à tout le monde. Il s’adresse aux personnes aux prises avec des incapacité­s prolongées. Avec cette mesure, l’État cherche à aider ces personnes à amasser un pécule pour financer leurs besoins particulie­rs durant leurs vieux jours.

Lancé en 2008, il s’inspire beaucoup du Régime enregistré d’épargneétu­des. Les cotisation­s du titulaire donnent droit à de généreuses subvention­s qui varient en fonction des revenus (la Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité).

Les ménages à faible revenu ont également droit au Bon canadien pour l’épargne-invalidité, les fameux 1000 $ déposés au compte par Ottawa sans que le titulaire ait à contribuer de son côté.

Comme pour le REEE, l’argent peut fructifier à l’intérieur du compte à l’abri de l’impôt. Les cotisation­s ne donnent pas droit à des déductions fiscales, et par conséquent ne s’ajoutent pas au revenu imposable à l’heure du retrait. Toutefois, les subvention­s et les revenus de placements seront imposés entre les mains du bénéficiai­re, à la sortie.

Le titulaire peut cotiser jusqu’à 200 000 $ dans un REEI. Les subvention­s sont plafonnées à 70 000 $ sur toute la durée du régime, auxquels peuvent s’ajouter 20 000 $ grâce au « Bon ».

Le titulaire peut être un parent ou le tuteur d’un enfant handicapé, mais un adulte affecté par des limitation­s peut en ouvrir un pour lui-même.

DES BÂTONS DANS LES ROUES

Guillaume Parent a fondé Finandicap il y a une dizaine d’années, afin entre autres de faciliter l’accès au REEI. Ce n’est pas un hasard, le conseiller en sécurité financière s’est lui-même buté à la complexité du processus pour ouvrir un tel compte. Il est atteint par la paralysie cérébrale.

Ça ne se fait pas en quelques clics sur internet ni au comptoir d’une succursale bancaire, on doit passer par le centre d’appels de son institutio­n financière. « On dirait qu’ils [les concepteur­s du programme] se sont arrangés pour décourager la clientèle cible », dit-il.

Ce n’est pas le principal obstacle. Pour avoir droit au REEI, on doit d’abord être admissible au « crédit d’impôt pour personne handicapée » (CIPH).

À lui seul, le nom du crédit pose problème, selon Guillaume Parent, car il insinue « qu’il faut être ben magané pour y avoir droit ». Beaucoup de personnes qui pourraient s’en prévaloir ne le font pas, car elles ne se considèren­t pas comme « handicapée­s ».

Le crédit est sous-utilisé partout au Canada, et encore plus au Québec. Toutes proportion­s gardées, on serait deux fois moins au Québec à en faire la demande qu’en Ontario, estime le fondateur de Finandicap. Ce crédit ouvre pourtant la porte à de nombreuses mesures d’aide financière, incluant le REEI. Des Québécois laissent donc beaucoup d’argent sur la table.

Parmi ceux qui profitent de ce crédit au Québec, moins de 27 % participai­ent à un REEI en 2017, selon Emploi et Développem­ent social Canada.

Pourquoi met-on en place des programmes si les modalités font en sorte qu’ils soient si largement ignorés par la clientèle à laquelle ils sont destinés ?

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada