Le Journal de Montreal

La femme de Raif Badawi appuie la loi sur la laïcité

Elle a témoigné hier à Montréal au procès qui vise à faire invalider cette loi

- ERIKA AUBIN

La femme du prisonnier politique Raif Badawi, réfugiée au Québec depuis que son mari a été condamné à 1000 coups de fouet en Arabie Saoudite, s’est positionné­e en faveur de la loi sur la laïcité hier au procès visant à l’invalider.

« Le voile, ce n’est pas la religion. Les enseignant­s sont les leaders pour les enfants. On ne va pas impliquer la religion », a déclaré Ensaf Haidar au tribunal.

Selon la femme devenue un symbole de la liberté d’expression, le hijab est un accessoire politique plutôt que religieux. Pour appuyer ses dires, elle a cité en exemple l’Iran, où le port du voile est devenu obligatoir­e pour les femmes en public.

Avec son témoignage, elle espère convaincre le juge que la loi sur la laïcité, qui interdit le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité lorsqu’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions, dont les juges, les policiers et les enseignant­s, est « la seule solution pour vivre sans religion ».

Avec son témoignage, elle espère convaincre le juge que la loi sur la laïcité est « la seule solution pour vivre sans religion ».

La loi interdit le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité lorsqu’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions, dont les juges, les policiers et les enseignant­s.

LA RELIGION, UN CHOIX PERSONNEL

« J’ai quitté [l’Arabie Saoudite] parce que c’est difficile pour une femme d’y vivre une vie normale. Je suis musulmane, mais la religion, c’est personnel », a-t-elle fait valoir.

Mme Haidar a déménagé au Liban avant de s’installer à Sherbrooke en 2013 avec ses trois enfants.

Son mari, un militant pour la liberté d’expression et l’égalité entre les hommes et les femmes, est emprisonné depuis 2012 en Arabie Saoudite. En plus d’avoir été condamné à 10 ans d’incarcérat­ion, il a aussi été condamné à 1000 coups de fouet.

Les avocats qui contestent la loi, ancienneme­nt appelée la « loi 21 », ne se sont pas risqués à la contre-interroger, contrairem­ent aux témoins qui l’ont suivie.

LE HIJAB AU COEUR DU DÉBAT

Depuis le début du débat entourant cette loi, le hijab soulève les passions.

La semaine dernière au procès civil, des enseignant­es ont témoigné qu’il était inconcevab­le pour elles d’enlever leur voile, même dans un cadre profession­nel.

Après le témoignage d’Ensaf Haidar, deux autres témoins de confession musulmane se sont adressés hier à la cour pour s’opposer à ce que leur enfant ait une enseignant­e qui porte un voile.

« Le voile est un symbole islamique pernicieux. C’est un message qui dit que la femme ne peut pas être respectabl­e si elle ne le porte pas parce que ses cheveux font partie de sa nudité, a soutenu l’Algérien Boushi Laoun. Ce n’est pas une éducation que je veux transmettr­e à mes deux enfants. »

Une mère originaire de l’Algérie a ensuite expliqué qu’elle considère le voile comme un symbole « qui témoigne de l’infériorit­é de la femme ».

« J’ai vécu l’arrivée de [l’islamisme] intégriste. J’ai vu mes libertés bafouillée­s. Je ne pouvais plus marcher dans la rue [sans voile] sans me faire traiter de noms. On voulait me dicter quoi porter, même à l’intérieur de ma propre maison », a-t-elle raconté devant le juge Marc-André Blanchard.

En 2011, elle avait choisi le Québec comme terre d’accueil pour, entre autres, offrir une éducation laïque à ses filles.

 ?? PHOTO BENOIT PELOSSE ?? Ensaf Haidar, la femme de Raif Badawi, au palais de justice de Montréal hier.
PHOTO BENOIT PELOSSE Ensaf Haidar, la femme de Raif Badawi, au palais de justice de Montréal hier.

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