Le Journal de Montreal

Injustice pour les francophon­es

- antoine.robitaille@quebecorme­dia.com ANTOINE ROBITAILLE

Il y a dans notre Dominion des injustices si gênantes entre francophon­es et anglophone­s qu’on semble préférer les ignorer.

La disparité de traitement entre les anglophone­s au Québec et les minorités francophon­es ailleurs au Canada, en matière de financemen­t universita­ire, est un de ces cas choquants.

EN ALBERTA

Dernier exemple en date : le Campus Saint-Jean, à Edmonton, est une des petites institutio­ns francophon­es – avec une autre au Manitoba – qui assurent un peu d’enseigneme­nt universita­ire en français dans les Prairies.

En 2015-2016, il y avait 822 étudiants. On y forme de nombreux professeur­s de français qui iront enseigner dans les écoles d’immersion.

Or, le gouverneme­nt albertain a décidé de sabrer les budgets des université­s, amputant celui du campus Saint-Jean de quelque 12 % en 2020. Une véritable saignée.

Tellement que la ministre fédérale des langues officielle­s, Mélanie Joly, fin octobre, a cru bon d’écrire à Jason Kenney pour lui proposer de financer en partie cette institutio­n que certains jugent vitale pour la survie du français en Alberta.

Au micro de Qub, Mme Joly a dressé un parallèle avec le cas du gouverneme­nt Ford en Ontario en 2019 qui, sous le même prétexte de compressio­ns budgétaire­s, avait décidé de sabrer le projet d’université francophon­e en Ontario. Combat qu’elle a remporté.

Le jour de l’entrevue, le 28 octobre à Qub, Jason Kenney n’avait pas répondu à la ministre fédérale. Rien n’indiquait hier qu’il l’avait fait.

Lui qu’on croyait francophil­e. Lui qui s’exprime très bien en français. Espérons que le nouveau chef conservate­ur Erin O’Toole, que Kenney a appuyé lors de la course, le rappellera à ses devoirs à l’égard de la minorité franco-albertaine. L’éducation est de compétence provincial­e après tout. Pas besoin d’Ottawa pour bien faire les choses.

LES PRIVILÉGIÉ­S

Espérons que le nouveau chef conservate­ur Erin O’Toole, que Kenney a appuyé lors de la course, le rappellera à ses devoirs à l’égard de la minorité franco-albertaine.

D’ailleurs, pendant ce temps, au Québec, le gouverneme­nt Legault, – pourtant présenté dans la communauté anglophone comme dangereuse­ment nationalis­te – cédera à McGill un important actif, l’ancien hôpital Royal-Victoria. Et compte agrandir rapidement le cégep Dawson.

La proportion des fonds qui va aux université­s anglophone­s au Québec connaît « une tendance à la hausse dans les 20 dernières années », m’écrit le chercheur Frédéric Lacroix (auteur de « Pourquoi la loi 101 est un échec » chez Boréal)

Depuis le dernier discours du trône à Ottawa, le gouverneme­nt Trudeau reconnaît que le français a besoin d’aide même au Québec, en raison de « l’océan » anglophone que représente ce continent. (Il était temps.)

Pourtant, c’est cette seule province (qui a le français comme langue officielle, langue évidemment minoritair­e sur le continent) qui « surfinance » les institutio­ns post-secondaire­s de sa prétendue minorité (dont la langue est ultra puissante dans le monde actuel).

Le faible subvention­ne le fort, si vous me permettez de schématise­r.

Au Québec, selon les calculs de M. Lacroix, les McGill, Concordia, Bishop récoltent 30 % des fonds destinés aux université­s, soit 3,7 fois plus que le poids démographi­que des anglophone­s.

Si les Franco-Albertains étaient financés en proportion semblable, combien, selon M. Lacroix toujours, faudrait-il ajouter aux maigres 9,5 millions $ qu’ils ont reçus en 2015-2016 ? 177,2 millions ! Au contraire, on les a coupés.

Je ne saurais dire si c’est « systémique ». Mais c’est assurément injuste et scandaleux.

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Jason Kenney
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