Du soleil en cuisine
Le documentaire Chef en pandémie affiche un portrait positif
Le chef Charles-Antoine Crête le dit haut et fort : il n’en peut plus de l’expression « Ça va bien aller » et des arcs-en-ciel, qu’il dessine, dans son ciel à lui, plus bruns que colorés. Mais il s’efforce de ramener le soleil dans ses commerces, malgré le spectre noir de la COVID.
Âme des restaurants Montréal Plaza – qui s’illustrait cette année comme septième meilleur restaurant au Canada selon le palmarès Canada’s 100 Best de juin – et Foodchain, Charles-Antoine Crête et son associée Cheryl Johnson ont vivement retroussé leurs manches quand la pandémie a commencé à gruger la province.
Le documentaire Chef en pandémie, que diffuse Télé-Québec mercredi, expose leur labeur des derniers mois de façon brute, sans gants blancs, mais aussi très ludique, dans un esprit de bande dessinée. À preuve : un ours en peluche en tuxedo avec la voix de Guy Nadon y fait office de narrateur. Et l’oeuvre dédramatise un brin le combat de Crête et de ses acolytes pour sauver meubles et assiettes.
« Je pense que ça peut être porteur de quelque chose de positif, indique Charles-Antoine Crête en entrevue, à propos du portrait réalisé par Marie-Philippe Gilbert et
Van Rokyo. On ne veut pas juste montrer qu’on s’est réinventés ; c’est simplement que la ‘‘marde’’ est pognée, et il faut avancer ! C’est dans le mouvement qu’il se passe quelque chose… »
« FAITES QUELQUE CHOSE ! »
L’objectif du duo : non seulement préserver Montreal Plaza du désastre dans la foulée du premier, puis du second confinement, mais aussi continuer de soutenir les producteurs locaux avec qui il fait affaire. Aujourd’hui, Crête se réjouit d’avoir pu redonner aux membres de son équipe environ 85 % ou 90 % de leur salaire avec toutes les initiatives et nouveautés mises en place au Montréal Plaza.
Préparation de près de 25 000 sandwichs pour l’Accueil Bonneau, transformation de son bureau en magasin, service de repas en livraison, mise sur pied d’un éventuel marché de Noël sur la Plaza St-Hubert : le charismatique cuisinier a véritablement fait sienne au pied de la lettre l’expression « se réinventer », en ne s’accordant que sept journées de congé depuis la mi-mars.
Malgré le travail acharné et les lueurs d’espoir plutôt minces en ce moment, c’est quand même un compte-rendu positif que l’artisan des fourneaux voulait livrer avec Chef en pandémie. Même si des témoignages comme celui de son grand ami Normand Laprise (Toqué, Brasserie T!, Les chefs!) ne sont pas nécessairement optimistes.
« Certains, dans le désert, vont s’asseoir et attendre la mort, et d’autres se lèvent et suivent le soleil, et nous, c’est ce qu’on fait, illustre-t-il. Les gens, en ce moment, ont peut-être un peu moins besoin de SQDC et de Netflix, et davantage d’appeler les gens qu’ils aiment, de faire du bénévolat ou de l’aide aux devoirs. Mais faites quelque chose ! »
TAPE DANS LE DOS
À l’instar de plusieurs de ses collègues restaurateurs et tenanciers de bars, Charles-Antoine Crête martèle que sa communauté professionnelle aura éventuellement besoin d’une plus grande aide gouvernementale.
« Nous, les restaurateurs, parce qu’on est des ‘‘patenteux’’ habitués de travailler 80 heures par semaine et à toujours se réinventer, c’est comme si on nous prenait pour acquis, comme si on allait toujours être capables de se virer sur un dix cents. À un moment donné, on va avoir besoin d’une tape dans le dos. Dans beaucoup de domaines, j’ai vu des gens figer pendant un, deux ou trois mois avec la pandémie ; moi, je me disais que, puisqu’on ne savait pas où on s’en allait, ce n’était justement pas le temps de ne rien faire. »
Chef en pandémie, le mercredi 11 novembre, à 20 h, à Télé-Québec.