Le Journal de Montreal

Une onde de choc brutale

L’enquête du Pôle sports HEC Montréal a mesuré les impacts du coronaviru­s sur le milieu sportif québécois

- RICHARD BOUTIN

Effectuée principale­ment en août et en septembre avant que la deuxième vague frappe, l’enquête du Pôle sports HEC Montréal qui visait à mesurer les impacts de la COVID-19 sur le milieu sportif québécois a confirmé que le choc a été brutal.

Les premiers résultats ont été publiés hier. Au terme de chacune des 38 entrevues de 90 minutes qui ont été menées auprès de dirigeants provenant de tous les secteurs du milieu sportif, les gens devaient chiffrer l’ampleur de la pandémie en utilisant à titre de comparatif l’échelle de Richter, réservée pour mesurer les tremblemen­ts de terre.

L’enquête a permis de tracer sept constats. Le premier a été de constater que le sport organisé a été frappé en plein coeur.

« La majorité des gens interrogés ont donné une note de 8 et plus », a mentionné le directeur associé du Pôle, Richard Legendre. « Ils ont laissé parler leur coeur en donnant leur note. Compte tenu de l’attitude positive et de la résilience démontrée en entrevue, j’ai été surpris un peu de l’ampleur du choc. Tous nous ont dit qu’ils n’avaient jamais vécu quelque chose comme ça. Le sport a beaucoup souffert et souffre encore beaucoup, mais il a eu l’élégance de ne pas trop le montrer. Le sport québécois a fait preuve d’un très grand esprit d’équipe depuis huit mois en matière de responsabi­lité sociale. Il aura besoin de bénéficier de tout autant de solidarité pour la relance de son avenir. »

INQUIÉTUDE­S

La possibilit­é que les performanc­es des athlètes soient compromise­s est un autre élément qui est apparu. L’étude a démontré que la majorité des intervenan­ts partagent des inquiétude­s sur les performanc­es futures, l’anxiété, la baisse de motivation et les risques d’abandon des athlètes. Un intervenan­t a laissé tomber cette phrase-choc : « On va sûrement laisser des médailles sur la table. »

Dans la même optique, on craint un recul de cinq à dix ans dans le sport organisé. La totalité des intervenan­ts prévoit une baisse d’inscriptio­n variant de 15 % à 60 %, et 82 % des répondants prévoient une baisse de leurs revenus pouvant même atteindre 90 % dans certains cas.

Le 4e constat est que la viabilité financière est compromise pour l’événementi­el et les équipes profession­nelles. « C’est un secteur essentiel parce qu’il représente le sommet de la pyramide pour plusieurs sports, a souligné l’ancien ministre du gouverneme­nt péquiste. C’est évident que le milieu aura besoin de la collaborat­ion et de l’aide gouverneme­ntale pour faciliter le retour. On ne doit pas attendre que la crise soit finie pour trouver des solutions. »

L’enquête a aussi permis d’établir le besoin que le sport parle d’une voix unie et plus forte. En effet, 70 % des intervenan­ts interrogés déplorent la méconnaiss­ance initiale de la Santé publique à l’endroit du sport, et 66 % déplorent le manque de leadership et de cohérence de l’appareil gouverneme­ntal.

Au chapitre des bonnes nouvelles, les répondants, dans une proportion de 75 %, estiment qu’il y a eu une meilleure collaborat­ion entre les intervenan­ts du milieu sportif depuis le début de la pandémie, mais 50 % craignent que cette nouvelle collaborat­ion ne dure pas.

Dans la même veine, les organisati­ons disent avoir appris pendant la pandémie, mais elles sentent le besoin de se profession­naliser. La crise a mis en lumière des lacunes dans les pratiques de la gestion de crise.

Finalement, l’enquête a permis de démontrer que les organisati­ons misaient sur un leadership de coeur. Et « 100 % des gens nous ont dit que la dimension humaine est importante, a indiqué le directeur du Pôle, Éric Brunelle, mais le piège quand tu mises trop sur un leadership de coeur est de prioriser les gens au risque de mettre la santé de l’organisati­on en péril et de ne pas passer à l’action. 75 % disent avoir amélioré leurs communicat­ions et l’image de leur organisati­on dans la communauté et dans les médias. »

PISTES DE SOLUTION

Le Pôle sports HEC Montréal a déterminé quelques pistes de solution.

« Le sport doit être considéré comme essentiel, a affirmé le ministre du Sport, des Loisirs et du Tourisme dans le gouverneme­nt péquiste en 2001. Il y a une évolution depuis huit mois. Tout le monde réalise maintenant que le sport est important. Il y a eu une prise de conscience collective que le sport est le pilier des saines habitudes de vie. Le sport n’est pas un luxe. Je n’ai pas entendu souvent un premier ministre parler de l’importance du sport. Le premier ministre l’a fait à quelques reprises dans les dernières semaines. »

« Au-delà de la reconnaiss­ance que le sport est essentiel, ça prend des gestes concrets et un budget, de poursuivre M. Legendre. Le budget du sport est dix fois moindre que celui de la culture et représente 0,1 % du budget de l’État. On a une bonne ministre, mais ça prendrait un ministère. Il manque de chiffres sur l’apport important du sport concernant les emplois, les installati­ons et les investisse­ments. Lors du 2e confinemen­t, on a rapidement su le nombre d’emplois que les secteurs du tourisme et de la restaurati­on procuraien­t. Du côté du sport, on n’a aucun chiffre. Ce n’est pas très winner ».

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Le directeur associé du Pôle, Richard Legendre, est catégoriqu­e : le sport souffre beaucoup en raison de la COVID-19.
PHOTO D’ARCHIVES Le directeur associé du Pôle, Richard Legendre, est catégoriqu­e : le sport souffre beaucoup en raison de la COVID-19.

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