Le Journal de Montreal

Une victime n’a pas à le rester toute sa vie

- LOUISE DESCHÂTELE­T louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.co

Je fus victime d’inceste durant mon enfance. La seule fois où j’ai osé dire à ma mère ce que mon grand-père me faisait, je me suis fait clouer le bec. Selon elle, rien de mal ne pouvait émaner de celui qu’elle considérai­t comme son héros, et il serait dommage qu’une charmante petite fille comme moi sème ainsi à tout vent de fausses rumeurs à son propos.

Je me la suis donc fermée à double tour, puisque personne dans cette famille de quatre enfants (deux gars et deux filles), ainsi que ma grand-mère, sa femme, n’aurait jamais dit un mot plus haut que l’autre à son sujet. Face à cette loi de l’omerta qui régnait en ce milieu, j’ai abdiqué dans ma volonté de dénoncer, mais j’ai commencé à faire obstacle aux avances de mon grand-père.

Je faisais tout en mon possible pour ne pas me retrouver seule avec lui, quitte même à refuser d’aller le visiter avec ma famille, certains dimanches. Il a levé les pattes, emporté par un cancer, alors que j’allais sur mes 18 ans. Ma grand-mère a suivi le même chemin deux ans plus tard.

Les relations familiales se sont distendues par la suite et chacun a fait son chemin dans sa famille respective. Je me suis mariée, j’ai eu deux enfants, et je me suis divorcé. C’est à ce moment précis, alors que j’avais 54 ans, que j’ai décidé d’aller en thérapie. J’en avais marre de garder mon secret tapi au fond de moi. Marre de m’être laissée manipuler par une mère bigote. J’avais juste envie de clamer ma vérité au grand jour.

Et c’est grâce à ce processus qui m’a obligée à renouer avec ma famille élargie que j’ai compris que mes cousines, tout comme ma propre mère et sa soeur, avaient probableme­nt été victimes elles aussi. Personne n’a jamais rien dit, parce que des femmes, incluant ma grand-mère, avaient préféré se voiler les yeux pour sauver la face.

Je suis la seule à avoir fait la paix avec ça, parce qu’en toute conscience, j’ai décidé de me faire justice. Les autres souffrent encore de ces abus qu’elles ne se décident pas à laisser aller dans l’univers.

Pour sauver qui ? Pour sauver quoi ? Certaineme­nt pas ellesmêmes. Moi, je regrette juste de ne pas l’avoir fait plus tôt.

Elle est sainte la paix intérieure

Il n’y a rien de plus difficile que de s’avouer victime d’un abuseur, qui plus est quand il s’agit d’une personne respectée dans son entourage. Quelle force il vous a fallu pour parler aussi ouvertemen­t à votre mère. Et quelle déception ça a dû être de vous faire rabrouer de la sorte. Ce qui explique probableme­nt la longue pause que vous avez prise avant de décider d’entreprend­re une opération de libération. Ne regrettez rien. Soyez plutôt fière de vous et de votre accompliss­ement.

Comment me faire respecter ?

Mon conjoint et moi désirons acheter une maison qui lui fait envie depuis quelque temps. Le problème, c’est que mon salaire ne me permet pas de mettre autant d’argent que lui dans cette aventure puisqu’il équivaut à la moitié du sien. Il me propose de signer seul l’acte d’achat, mais de contribuer à l’aventure en payant la bouffe et les dépenses de la maison. Je doute que ce soit une bonne idée. Qu’en pensez-vous ?

Anonyme

Je n’en pense rien de bon, car en cas de séparation, vous n’auriez aucune preuve de votre investisse­ment personnel dans la maison, puisque seul votre conjoint aurait son nom sur l’acte d’achat. Le recours à un notaire et même aux conseils d’un fiscaliste me semble essentiel pour vous protéger. Que ce soit par une convention d’indivision, un contrat de vie commune ou un autre véhicule, ils vont certaineme­nt vous aider à faire en sorte que votre part financière soit reconnue comme telle, en cas de séparation.

Pensée du jour La violence est un signe de faiblesse. – Anaïs Nin

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