La ministre Anand ignorait qui était Frank Baylis
Elle rejette l’idée d’un conflit d’intérêts lors de l’octroi d’un gros contrat médical
La ministre responsable des achats médicaux canadiens rejette les accusations d’apparence de conflit d’intérêts « flagrante » lancées contre le gouvernement Trudeau au sujet d’un contrat majeur octroyé à l’entreprise d’un ancien député libéral.
Anita Anand, qui est ministre fédérale des Services publics et de l’Approvisionnement, soutient qu’il n’y a pas eu de favoritisme possible puisqu’elle ignorait complètement qui était l’ex-député libéral Frank Baylis.
La compagnie de l’ancien élu libéral, Baylis Médicale, est la sous-traitante principale d’un contrat de 237 millions de dollars accordé par Ottawa au printemps dernier pour la fabrication de 10 000 ventilateurs médicaux, un achat lié à la pandémie de COVID-19.
C’est une entreprise appelée FTI Professionnal Grade, créée une semaine avant la signature du contrat, qui a officiellement obtenu la commande.
100 MILLIONS DE PLUS
Selon une évaluation effectuée par notre Bureau d’enquête, Ottawa pourrait avoir payé 100 millions de trop pour l’achat de ces ventilateurs, comparativement aux prix qui se pratiquent ailleurs dans le monde pour des appareils en tous points identiques.
« Je ne sais pas qui est Frank Baylis. Je ne l’ai jamais rencontré, je ne l’ai jamais vu », a lancé Mme Anand en réponse à des questions du député conservateur Pierre Paul-Hus, en comité parlementaire, lundi soir.
Ce dernier a affirmé, lorsque l’affaire a éclaté il y a un mois, qu’il y avait une apparence de conflit d’intérêts « flagrante ».
Quand Mme Anand a été élue pour la première fois aux Communes, en octobre 2019, Frank Baylis venait de terminer son mandat de député fédéral, d’où son commentaire concernant ses liens avec ce dernier.
Selon la ministre, c’est un comité d’experts indépendants qui a suggéré le choix de FTI et de Baylis Médicale, ainsi que celui de quatre autres compagnies canadiennes, pour fabriquer des ventilateurs.
« Le but était d’assurer une production de ventilateurs domestiques [au Canada], et c’est exactement ce que nous avons fait […] en vue de répondre aux besoins urgents des provinces et des territoires », a-t-elle dit.
Interrogé à son tour lors du comité parlementaire de lundi soir, le sous-ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Bill Matthews, a précisé que c’était probablement la ministre Anand elle-même qui avait signé le contrat pour ces ventilateurs, une pratique qui, selon nos informations, n’a pas été appliquée de façon courante lors de l’octroi des contrats d’équipements médicaux du printemps dernier.
Rappelons qu’Ottawa a procédé à des achats massifs d’équipements à ce moment-là, au Canada comme à l’étranger, en déboursant 6,1 milliards pour refaire les réserves du système de santé canadien.
LE CAS PROLINE
Par ailleurs, le sous-ministre Matthews est intervenu pour défendre le choix d’une petite compagnie pratiquement inconnue de la région d’Ottawa, sélectionnée sans appel d’offres, afin d’exécuter un mégacontrat de 371,3 millions pour l’importation de blouses médicales, le plus gros accordé lors des achats du printemps.
À son avis, Proline Advantage a su prouver aux fonctionnaires qu’elle serait en mesure d’exécuter la commande, en fournissant notamment des échantillons conformes aux normes de Santé Canada.
Selon lui, Proline avait « une expérience d’importation de biens médicaux au Canada ».
Les recherches de notre Bureau d’enquête ont révélé que Proline disposait seulement d’une expérience dans l’importation de suppléments alimentaires. Nos recherches ont aussi permis d’apprendre qu’Ottawa pourrait avoir payé trois fois le prix habituel de ces blouses.