Le Journal de Montreal

Traumatism­es, pertes, espoir

- CLAUDE VILLENEUVE Analyste politique et rédacteur claude.villeneuve @quebecorme­dia.com @vclaude

Des pédiatres et des spécialist­es de la petite enfance sonnent l’alarme : on craint des retards dans le développem­ent cognitif et affectif des poupons et des bambins privés d’importants repères visuels dans le visage de leurs éducateurs de garderie.

Ça tombe sous le sens. De manière plus ou moins consciente, on a tous appris à fonctionne­r et à interpréte­r les paroles des gens qui nous entourent selon l’expression de leur visage.

Avez-vous remarqué que l’on a l’impression de moins bien entendre lorsque l’on porte un masque ? C’est que, souvent, les personnes à qui l’on parle en portent un aussi. Une grosse partie de la communicat­ion entre humains étant non verbale, c’est normal d’en perdre un bout quand on se couvre la moitié du visage.

LA NORMALITÉ

Le port du masque peut affecter le développem­ent des enfants, donc, et peutêtre doit-on revoir son usage en garderie. Les petits seraient aussi moins bien socialisés parce qu’ils peuvent être touchés par moins d’adultes différents. Privés de plusieurs activités, du contact de leurs grands-parents et de plusieurs de leurs amis, les jeunes de tous les âges souffrent de la pandémie.

Comme nous tous, en fait, qui, même si nous ne sommes pas autant vulnérable­s, composons avec différents petits traumatism­es liés au stress causé par la situation et les règles de confinemen­t. Avez-vous ressenti également cet inconfort, quand on regarde un film ou une série et que différents personnage­s se rapprochen­t, se touchent et s’embrassent, comme si ça ne faisait plus partie de la normalité ? La distanciat­ion sociale joue avec notre cerveau et il faudra du temps pour s’en remettre.

Et justement, on va s’en remettre.

À ce stade-ci de la pandémie, c’est plus important que jamais de se le dire. C’est important de nommer nos manques et nos pertes, évidemment, afin de les ventiler, de bien en tenir le compte et d’essayer de les réparer autant que possible, maintenant ou après la pandémie.

Mais c’est plus important encore de nous rappeler que nous en sommes capables. Que nous en reviendron­s. Que nous pourrons faire plus pour aider nos tout-petits à se rattraper, même si le temps perdu avec eux et avec nos plus vieux ne pourra pas tout être rattrapé.

NOUS SOMMES CAPABLES

Nos ancêtres ont connu le confinemen­t. Sur de petites coquilles de noix, pas très sanitaires, ballottées pendant des semaines sur les vagues de l’Atlantique. Ils ont connu l’éloignemen­t des leurs, isolés sur cette terre inhospital­ière où tout était à faire. Les enfants des hivers du 17e siècle étaient autrement moins stimulés que ceux du 21e et ils ont fait du monde quand même.

Oui, c’est dur. Après trois mois de confinemen­t dur au printemps, un quatre mois d’embellie où nos habitudes étaient encore bousculées et un nouveau confinemen­t social qui ne connaîtra manifestem­ent que le temps des Fêtes comme période de grâce, c’est normal d’être tanné. Ce n’est pas parce qu’on a réussi à retenir son souffle 20 secondes sous l’eau que l’on se sent capable de replonger pour un autre 40 secondes.

Mais nous sommes capables de le faire. Nous pouvons ajuster nos règles pour les rendre plus soutenable­s. Nous pouvons faire plus pour compenser nos pertes, celles de nos enfants et celles de nos aînés. C’est pour ça qu’il faut les nommer, pour penser à nous en occuper.

Mais nous y arriverons. Ça ne va pas si bien que ça, mais ça achève.

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La distanciat­ion sociale joue avec notre cerveau et il faudra du temps pour s’en remettre.
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