Le Journal de Montreal

Des blouses payées trois fois le prix

Des importateu­rs québécois sont outrés par les coûts excessifs défrayés par le gouverneme­nt Trudeau

- JULES RICHER

Dans le cas des blouses médicales achetées en quantités astronomiq­ues, des entreprene­urs contactés par notre Bureau d’enquête estiment qu’ils auraient pu les proposer à des coûts trois fois inférieurs pour des quantités équivalent­es.

Selon des chiffres obtenus la semaine dernière, le fédéral a payé environ 18,55 $ l’unité pour 20 millions de blouses médicales de niveau 3 importées de Chine. Elles ont été acquises dans le cadre d’un contrat de 371,3 millions $, décroché par Proline Advantage, une petite firme pratiqueme­nt inconnue d’Ottawa.

Deux importateu­rs québécois interrogés estiment qu’ils auraient été en mesure d’offrir ces mêmes blouses à environ 5 $ l’unité, malgré la pénurie qui régnait au printemps, s’ils avaient pu participer au processus d’achat.

LE PREMIER VENU

Dans le cas de ce seul contrat, il s’agirait donc de centaines de millions payés en trop par Ottawa.

« Pour des raisons incompréhe­nsibles, ils [les fonctionna­ires] semblent avoir pris le premier venu [comme fournisseu­r]. En fait, je crois que ç’a été une question de contacts », dit un des importateu­rs, qui a souhaité conserver l’anonymat, de peur d’être banni des achats fédéraux.

Cet homme d’affaires de Montréal, dont la compagnie est active dans l’importatio­n médicale, est sidéré par l’ampleur des sommes en cause.

« Avec 371 millions, on aurait pu monter toute une usine de masques en Chine, en quelques semaines. Ça ne fait aucun sens », souligne-t-il.

Celui-ci s’est inscrit au mois de mars dernier pour participer au processus d’achats médicaux lancé par Ottawa. Il a été contacté à la mi-avril pour savoir s’il était en mesure d’offrir des masques N95, une demande qui est restée sans suite.

Au printemps dernier, Ottawa a commandé une quantité colossale d’articles médicaux. Pas moins de 6,1 milliards $ ont été dépensés sans appel d’offres, dont 1,8 milliard pour des blouses.

PAS D’APPEL D’OFFRES

Un autre importateu­r interviewé estime que l’idée d’utiliser un processus sans appel d’offres était une erreur.

À son avis, il aurait fallu le faire.

« Tout le monde aurait été à armes égales pour avoir les contrats », explique-t-il.

Cet homme d’affaires, qui a souhaité lui aussi taire son identité, estime que le fédéral aurait pu obtenir de cette façon de bien meilleurs prix.

Au printemps dernier, cet importateu­r avait un accès direct à la production de certaines usines au Vietnam et aurait pu offrir des blouses à un peu plus de 5 $ l’unité.

« La façon, dit-il, dont les contrats ont été accordés fait poser beaucoup de questions. » Il se demande si certains des fournisseu­rs sélectionn­és par Ottawa n’avaient pas des « connexions ».

Plus tôt cette semaine, le ministère des Services publics et de l’Approvisio­nnement a défendu le choix de Proline Advantage en affirmant que la compagnie répondait à tous les critères nécessaire­s pour exécuter le contrat.

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PHOTO ADOBE STOCK Les blouses médicales de niveau 3, soit la meilleure qualité sur le marché, ressemblen­t à celle portée sur la photo.

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