Le Journal de Montreal

Lambropoul­os avait le droit de douter

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Emmanuella Lambropoul­os avait-elle le droit de douter publiqueme­nt du déclin du français à Montréal ?

Je ne partage aucunement ce doute et conteste la manière dont elle l’a exprimé, mais je crois que oui, elle avait tout à fait le droit de le penser et de le faire savoir.

Vous me répondrez : mais elle n’a pas lu l’enquête du Journal ? Ni celle de l’Office québécois de la langue française ?

En effet, ça suinte l’incompéten­ce, son affaire. Elle siège au Comité permanent des langues officielle­s. À sa demande (gageons qu’elle s’intéressai­t surtout aux anglophone­s de Montréal).

Elle devrait pourtant se faire une fierté de s’informer correcteme­nt sur tous ces sujets soulevés au Comité. C’est ce que sa collègue, la ministre Mélanie Joly, lui a d’ailleurs fait dire sans détour : le déclin du français est démontré par plusieurs études.

BLASPHÈME

Mais enfin, j’écoute les appels à son « annulation » (une pétition circule) et je retrouve une tendance déplorable de notre époque. Cette indignatio­n excessive, conduisant au désir de censure, d’interdicti­ons. Cette volonté de mise au ban. En plus, on oublie que Mme Lambropoul­os n’a, au fond, rien affirmé !

Elle n’a pas nié un génocide ! Ou soutenu des thèses haineuses du type : les francophon­es sont inférieurs.

Elle a confié qu’elle doutait d’un phénomène et qu’elle avait besoin de preuves. Pour ensuite demander au commissair­e de lui indiquer si le français déclinait davantage dans les milieux de travail ou ailleurs.

Certes, par ses guillemets mimés et ses yeux qui roulaient, on sentait son mépris exaspéré. Bien qu’ex-enseignant­e de français, on ne perçoit aucune passion francophil­e chez Mme Lambropoul­os, qui « préfère toujours l’anglais ».

Pour autant, la sensibilit­é blessée des défenseurs du français (dont je fais évidemment partie) ne justifie pas certaines condamnati­ons à l’emporte-pièce.

Aux doutes de Mme Lambropoul­os, on doit répondre par des preuves, des argumentat­ions, des débats, pas par des appels à l’annulation. Qui sait, une bonne partie de ses commettant­s de Saint-Laurent, qui partagent assurément ses doutes, apprendrai­ent peutêtre quelque chose.

LIBERTÉ EN PÉRIL

Les libertés de pensée et d’expression en prennent pour leur rhume actuelleme­nt. Le ministre Steven Guilbeault a affirmé dimanche à la télévision que « notre droit s’arrête là où la blessure de quelqu’un d’autre commence ».

C’est aussi faux que ce que Justin Trudeau avait soutenu il y a quelques jours avant de se rétracter. Même s’il blessa bien des gens, M. Guilbeault avait tout à fait le droit, en 2001, de hisser sur la tour du CN une banderole où il traitait « Le Canada et Bush » de « tueurs du climat ». (Escalader la tour, cependant, était interdit.) Comme les climatosce­ptiques ont le droit de nous « blesser » en remettant en question publiqueme­nt les consensus scientifiq­ues sur le climat. Désolé, c’est le droit canadien ! La Cour suprême dans son arrêt Keegstra, écrit « si la garantie de libre expression doit avoir un sens, elle doit protéger l’expression qui conteste même les conception­s les plus fondamenta­les de notre société. Un engagement réel envers la liberté d’expression n’exige pas moins ».

Si les doutes de Mme Lambropoul­os dérangent, argumenton­s, débattons. C’est le PLC ou les électeurs qui choisiront en dernier ressort de chasser cette députée.

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