Lambropoulos avait le droit de douter
Emmanuella Lambropoulos avait-elle le droit de douter publiquement du déclin du français à Montréal ?
Je ne partage aucunement ce doute et conteste la manière dont elle l’a exprimé, mais je crois que oui, elle avait tout à fait le droit de le penser et de le faire savoir.
Vous me répondrez : mais elle n’a pas lu l’enquête du Journal ? Ni celle de l’Office québécois de la langue française ?
En effet, ça suinte l’incompétence, son affaire. Elle siège au Comité permanent des langues officielles. À sa demande (gageons qu’elle s’intéressait surtout aux anglophones de Montréal).
Elle devrait pourtant se faire une fierté de s’informer correctement sur tous ces sujets soulevés au Comité. C’est ce que sa collègue, la ministre Mélanie Joly, lui a d’ailleurs fait dire sans détour : le déclin du français est démontré par plusieurs études.
BLASPHÈME
Mais enfin, j’écoute les appels à son « annulation » (une pétition circule) et je retrouve une tendance déplorable de notre époque. Cette indignation excessive, conduisant au désir de censure, d’interdictions. Cette volonté de mise au ban. En plus, on oublie que Mme Lambropoulos n’a, au fond, rien affirmé !
Elle n’a pas nié un génocide ! Ou soutenu des thèses haineuses du type : les francophones sont inférieurs.
Elle a confié qu’elle doutait d’un phénomène et qu’elle avait besoin de preuves. Pour ensuite demander au commissaire de lui indiquer si le français déclinait davantage dans les milieux de travail ou ailleurs.
Certes, par ses guillemets mimés et ses yeux qui roulaient, on sentait son mépris exaspéré. Bien qu’ex-enseignante de français, on ne perçoit aucune passion francophile chez Mme Lambropoulos, qui « préfère toujours l’anglais ».
Pour autant, la sensibilité blessée des défenseurs du français (dont je fais évidemment partie) ne justifie pas certaines condamnations à l’emporte-pièce.
Aux doutes de Mme Lambropoulos, on doit répondre par des preuves, des argumentations, des débats, pas par des appels à l’annulation. Qui sait, une bonne partie de ses commettants de Saint-Laurent, qui partagent assurément ses doutes, apprendraient peutêtre quelque chose.
LIBERTÉ EN PÉRIL
Les libertés de pensée et d’expression en prennent pour leur rhume actuellement. Le ministre Steven Guilbeault a affirmé dimanche à la télévision que « notre droit s’arrête là où la blessure de quelqu’un d’autre commence ».
C’est aussi faux que ce que Justin Trudeau avait soutenu il y a quelques jours avant de se rétracter. Même s’il blessa bien des gens, M. Guilbeault avait tout à fait le droit, en 2001, de hisser sur la tour du CN une banderole où il traitait « Le Canada et Bush » de « tueurs du climat ». (Escalader la tour, cependant, était interdit.) Comme les climatosceptiques ont le droit de nous « blesser » en remettant en question publiquement les consensus scientifiques sur le climat. Désolé, c’est le droit canadien ! La Cour suprême dans son arrêt Keegstra, écrit « si la garantie de libre expression doit avoir un sens, elle doit protéger l’expression qui conteste même les conceptions les plus fondamentales de notre société. Un engagement réel envers la liberté d’expression n’exige pas moins ».
Si les doutes de Mme Lambropoulos dérangent, argumentons, débattons. C’est le PLC ou les électeurs qui choisiront en dernier ressort de chasser cette députée.