Le Journal de Montreal

Une massothéra­peute goûte à la médecine de la COVID-19

- Emmanuelle Gril emmanuelle.gril @quebecorme­dia.com

Lisianne, 63 ans, est massothéra­peute et travaille à son compte. Elle exploite une clinique qui a pignon sur rue et peut compter sur un bon volume de clientèle. Mais le confinemen­t du printemps dernier a marqué la fin de ses affaires florissant­es.

Lorsque la pandémie a incité le gouverneme­nt à confiner la population québécoise à la mi-mars, Lisianne a dû cesser ses activités. Or les dépenses n’ont pas été mises sur pause, elles !

Même si son local commercial a fermé ses portes, le loyer est encore dû et les factures ont continué à arriver. Pour compenser, Lisianne a utilisé ses économies et lorsque celles-ci ont été épuisées, elle s’est rabattue sur le crédit. En plus de sa marge de crédit, elle a utilisé ses cartes de crédit et a rapidement atteint leurs limites. Elle devait également rembourser un prêt personnel de 15 000 $ contracté pour acheter des équipement­s pour son travail. En quelques mois, la massothéra­peute a dû se rendre à l’évidence : elle courait tout droit vers la faillite.

AGIR SANS ATTENDRE

Son bail arrivant à échéance le 31 mai, Lisianne a décidé d’y mettre un terme pour arrêter l’hémorragie financière. Dès la fin mars, elle a aussi demandé la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 500 $ par semaine. La massothéra­peute a également commencé à toucher la RRQ, ce qui représente un montant de 442 $ par mois, pour un total mensuel de 2442 $.

Ce revenu est toutefois bien en dessous de la somme dont elle aurait besoin pour rembourser ses dettes et payer ses dépenses courantes. En effet, en plus de ses prêts personnels, elle a cumulé un solde de 47 500 $ sur ses cartes de crédit et de 25 000 $ sur sa marge. Les paiements minimums à effectuer atteignent un montant qui dépasse largement ses moyens financiers. Incapable de sortir de l’impasse, elle est donc allée consulter une firme de syndic autorisée en insolvabil­ité.

La première rencontre a rapidement permis de confirmer que Lisianne ne pouvait demeurer dans cette situation sans rien faire et qu’elle devait absolument agir.

« Compte tenu de son niveau d’endettemen­t, même si ses affaires reprenaien­t, elle a accumulé beaucoup trop de retard dans ses paiements pour être en mesure de tout rattraper. Il faut donc évaluer d’autres options », explique Stéphanie Poisson, conseillèr­e en redresseme­nt financier chez Raymond Chabot.

UNE PROPOSITIO­N REFUSÉE

Pour éponger ses 87 500 $ de dettes, la massothéra­peute pourrait envisager de demander un prêt de consolidat­ion à son institutio­n financière. Mais il n’y a aucune chance que celui-ci lui soit accordé, car sa situation financière est trop précaire et son ratio d’endettemen­t est très élevé. Autre option : la faillite.

Elle lui permettrai­t de se débarrasse­r de ses dettes d’un seul coup, mais en revanche son dossier de crédit s’en ressentira­it fortement sur une longue période.

« S’il s’agit d’une première faillite, la mention R-9, la pire, demeurera dans son dossier pendant sept ans après sa libération. Lisianne préférait trouver une autre solution, et ce d’autant qu’elle souhaitait pouvoir rembourser ses créanciers le plus possible », indique Stéphanie Poisson.

La dernière possibilit­é dans son cas est de déposer une propositio­n de consommate­ur. Il s’agit d’une offre de règlement basée d’une part sur la valeur des biens que les créanciers auraient pu obtenir en cas de faillite, et d’autre part, sur la capacité de payer du débiteur.

« Nous avons fait une première propositio­n d’un montant de 10 125 $, qui a malheureus­ement été refusée. Les créanciers ont plutôt réclamé 27 000 $, soit 60 paiements mensuels de 450 $ », détaille Stéphanie Poisson.

Les dépenses de Lisianne s’élèvent à 1470 $ par mois. De plus, elle a repris peu à peu ses activités de massothéra­peute, et même si elle a perdu de nombreux clients, elle espère pouvoir retrouver bientôt un niveau de revenus raisonnabl­e. Même si sa position est fragile, théoriquem­ent, elle dispose de la marge de manoeuvre nécessaire pour respecter ses obligation­s.

Grâce à cette propositio­n, le reste de sa dette est annulée, les intérêts cessent de courir et elle est protégée par la loi contre toutes les procédures de recouvreme­nt de ses créanciers. Son dossier de crédit sera toutefois affecté puisqu’il affichera la mention R-9 pendant toute la durée de la propositio­n puis de R-7 pendant trois années supplément­aires. Elle pourra toutefois repartir sur de meilleures bases et envisager l’avenir avec plus d’optimisme.

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