Le Journal de Montreal

Le cinéma n’a pas le choix de changer

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

La COVID changera durablemen­t la distributi­on de nos films de long métrage. À Téléfilm et à la SODEC, s’y prépare-t-on ?

Qu’on le veuille ou non, les meilleurs jours du cinéma en salles sont derrière nous. Même mon ami Patrick Roy, le très optimiste président mondial de la distributi­on chez Entertainm­ent One, devra bien finir par l’admettre. John Fithian, président de l’Associatio­n nationale des propriétai­res de salles des É.-U., estime de son côté que 70 % des salles ne survivront pas à la pandémie. Pourquoi en serait-il autrement ici ?

Il y a longtemps que les salles des petites villes ont disparu. Dans les centres urbains où on a rapetissé les salles pour les multiplier, les propriétai­res ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Ils y arrivent uniquement grâce aux blockbuste­rs américains et aux prix astronomiq­ues du popcorn et des autres friandises qu’ils vendent.

IL NE FAUT PAS PLEURER

Faut-il pleurer sur leur sort ? Faut-il que nos gouverneme­nts les empêchent de crever en leur apportant une aide financière ? Elle ne ferait que prolonger leur agonie et serait sans doute mal acceptée de la population.

Hautement automatisé­es, les salles de cinéma contribuen­t très peu à l’emploi et encore moins à notre culture. Dans le reste du pays, les films canadiens ne comptent même pas pour 1 % du box-office, contre 8 à 10 % pour les films québécois. Les films américains, eux, accaparent 80 % du box-office chez nous et plus de 90 % ailleurs au pays.

La « franchise » Les Boys constitue la seule exception. Avec ses 3 702 000 entrées, elle se classe au 14e rang au Canada parmi toutes les franchises américaine­s avec des revenus globaux de 20 883 198 $. Ce n’est pas sans raison que ComédieHa ! vient d’en faire l’acquisitio­n.

Nos films ne rejoignent en salles qu’une petite partie du public potentiel. Votez Bougon, par exemple, a fait dix fois moins d’entrées au cinéma qu’un seul épisode de la série télévisée.

Un homme et son péché reste le champion de tous les temps du cinéma québécois avec

1 341 602 entrées. C’est exactement un million de spectateur­s de moins qu’avait réunis au petit écran le 300e épisode de la série Les belles histoires des pays d’en haut en 1963 !

LE PUBLIC EST À LA TÉLÉ

Si, comme il est probable, la moitié et plus des salles ferment leurs portes d’ici à la fin de 2021, celles qui restent ne se bousculero­nt pas pour mettre des films québécois à l’affiche. Distribute­urs de films et propriétai­res de salles se feront de plus en plus sélectifs. Plusieurs longs métrages – on en produit plus d’une trentaine par an au Québec – resteront donc sur les tablettes ou seront cédés à vil prix aux chaînes de télévision.

Presque tous les longs métrages produits au Québec reçoivent une aide massive des fonds privés des câblodistr­ibuteurs, de la SODEC et de Téléfilm. Non seulement ces organismes subvention­nent la production, mais ils aident financière­ment la distributi­on et la promotion des films.

L’avenir plus qu’incertain des salles devrait faire en sorte que la SODEC et Téléfilm facilitent par leurs conditions la diffusion de la plupart des films qu’ils subvention­nent sur les plateforme­s spécialisé­es comme illico, Crave ou les autres. C’est là qu’ils trouveront leur public et non dans de ruineuses et stériles sorties en salles.

Dans les centres urbains [...] les propriétai­res ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts

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